Qui est juste ?

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Homélie prononcée le 29 octobre 2025

Ce dimanche, pas besoin de se creuser la tête sur le but de cette parabole bien connue racontée par Jésus. Il nous est donné par la première phrase de l’Évangile : « À l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres ».
Qui est « juste » ?
On peut comprendre ce mot de « juste » dans le sens de respecter la justice et ainsi de rendre à chacun ce qui lui revient. La justice règle les rapports sociaux et les rapports aux biens matériels. Et notre société, c’est-à-dire nous, en usons et en abusons.
Les Écritures utilisent très souvent ce mot : « juste ». Mais pour les Ecritures « les justes » sont ceux et celles dont les pensées, les paroles, les actions sont conformes à la volonté de Dieu, et cela, entièrement. Ce sont des personnes qui sont « ajustées » à Dieu, ajustées à Dieu par la prière.
Avec cette parabole, Jésus ne donne pas un cours sur la prière chrétienne, mais, dans des images parlantes, il en fait saisir le mouvement profond qui est celui d’un dialogue, d’une relation interpersonnelle qui s’établit entre le fidèle et son Dieu.
Comment naît et se développe cette relation ?
Regardons d’abord le pharisien. Jésus le fait parler : « Je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères… je jeûne deux fois la semaine, je verse le dixième de tout ce que je gagne ». Par ces paroles qu’il met dans la bouche du pharisien, Jésus accentue sa suffisance et sa vanité. Chez cet homme rempli de lui-même, il n’y a aucun espace de manque, il se suffit à lui-même. Il a coupé tout ce qui lui ouvrirait un chemin vers l’autre. Alors que la vraie prière part de la reconnaissance d’une insuffisance, d’un manque, sans quoi, aucune relation, aucun dialogue avec l’autre ne peut s’établir. Il n’est pas « vide de lui-même », expression utilisée par Saint Bernard dans un sermon.
Le manque reflète la condition de toute personne humaine. Personne ne peut se suffire à lui-même sans se tourner vers les autres. Cela est vrai dans le domaine matériel : on a besoin du travail de l’agriculteur pour manger, du travail de l’enseignant pour apprendre, , de celui de l’aide-soignante à l’hôpital ou de l’aide à la personne quand on est âgé, … C’est aussi le cas au plan de la dignité même de la personne qui a besoin d’être respectée et appréciée pour elle-même, parce qu’elle est unique et remplie d’aspirations et de désirs propres et au plan de l’amour dont tous les êtres ont besoin pour vivre.
Aucune personne ne peut se suffire à elle-même. Il faut qu’il y ait la prise de conscience de cette réalité, de ce manque, de ce vide pour que la relation à l’autre puisse naître. C’est essentiel dans le mouvement de la prière.
Le pharisien ferme toutes les portes. Aucune relation n’est possible pour lui avec Dieu. Il s’en retourne satisfait de lui-même, condamné à jouer et à rejouer continuellement la même pièce de théâtre dont il est le seul acteur.
Regardons maintenant du côté du publicain. Ce dernier ne se pose pas en maître. Il est conscient de ses limites. Il déclare son humilité et sa pauvreté. Il est conscient de ses faiblesses. Il ne les masque pas. Au contraire, il les reconnait et dans ce mouvement, cela ouvre la porte à quelque chose d’autre. Cela lui permet de découvrir un espace de relation et de dialogue et pour y entrer il est nécessaire de renoncer à tout contrôler, de se dépouiller de soi-même.
La relation avec l’autre me demande de m’oublier moi-même pour lui laisser une place dans mon cœur. Sans ce renoncement, pas de de relation vraie, pas de dialogue.
Le pauvre publicain a compris cela ou plutôt il vit cela, car il ne s’agit pas ici d’une attitude intellectuelle, d’un raisonnement, mais d’une expérience concrète, une expérience vécue, un abandon confiant dans un dialogue sincère et vrai avec Dieu, un dialogue ouvert aux imprévus de la rencontre avec l’autre plutôt que de se cantonner dans de fausses sécurités comme celles du pharisien : des pratiques, du rabâchage de formules, etc, même si un cadre peut aider à prier.
Chacun, chacune d’entre nous a pu connaître une expérience de prière comme celle du publicain. Dans un moment d’épreuve peut-être ou dans un temps de paix, vous avez senti la présence de Dieu qui se manifestait à vous. Vous aviez abandonné votre mainmise sur votre vie au profit d’un abandon confiant comme celui du publicain. C’est peut-être là l’essentiel de la prière : un abandon confiant dans un dialogue sincère avec Celui dont on se sait aimé. Cela rejoint la définition de l’oraison par sainte Thérèse d’Avila : « une conversation amoureuse dans un seul à seul avec Celui dont on se sait aimé »).
L’entrée dans le mouvement d’une prière vraie se continue tout au cours d’une vie. Comme les disciples, nous devons toujours demander à Jésus « Seigneur apprends-nous à prier ». Prier, cela s’apprend en effet. Dans une fidélité à se donner des moments de prière, à fréquenter des lieux de prière, à utiliser des moyens concrets comme le chapelet, la méditation, la Liturgie des Heures, etc. La personne priante cheminera vers une relation de plus en plus riche avec « Celui dont elle se sait aimée ».
La première lecture de Ben Sirac nous invite à cette persévérance qui se fonde sur la bonté de Dieu qui ne défavorise pas le pauvre, qui écoute la prière de l’opprimé, qui ne méprise pas la supplication de l’orphelin, et la plainte répétée de la veuve comme il est écrit dans ce très beau texte que nous avons entendu.
Et comme saint Paul dans la deuxième lettre à Timothée, le disciple de Jésus qui se laisse entraîner dans une prière fervente et répétée pourra dire à la fin de sa vie « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi... Le Seigneur me sauvera et me fera entrer dans son Royaume. A Lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen. »

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