Changer quelque chose au monde

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Homélie prononcée le 9 décembre 2019

Frères et Sœurs,

le temps de l’Avent, comme celui du Carême, est là pour nous rappeler une vérité fondamentale de notre vie chrétienne. Et cette vérité, c’est que nous pouvons changer quelque chose à notre monde. Oui, nous pouvons changer quelque chose à notre monde. C’est là notre espérance et notre force.

Déjà le pape Benoît XVI nous expliquait dans sa grande encyclique sur l’économie mondiale que nous ne sommes pas soumis, pieds et poings liés, aux dérives et aux idéologies qui peuvent s’emparer des systèmes globalisants aujourd’hui en pleine expansion (cf. Caritas in Veritate, 46). Et le saint pape Jean-Paul II avait affirmé le premier que la mondialisation n’est ni bonne ni mauvaise, et qu’elle sera ce que les personnes en feront, soit pour une plus grande distribution de la richesse au niveau planétaire, soit, au contraire, pour augmenter la pauvreté ainsi que les inégalités (Oss. Rom. fr. 19, 2001). Nous pouvons changer quelque chose notre monde, et notre humanité n’est pas soumise à la fatalité.

Bien sûr, la foi judéo-chrétienne qui respire au souffle biblique de l’Esprit-Saint est toujours consciente que seul Dieu peut faire ce que l’homme ne peut pas faire, c’est-à-dire ressusciter les morts, faire vivre à nouveau celles et ceux qui ont perdu le goût de la vie, et rendre leur dignité à celles et ceux qui ont été anéantis par les violences et par les destructions personnelles ou sociales. Et la foi judéo-chrétienne de la Bible sait bien que c’est d’abord Dieu et Dieu seul qui fait sortir d’Égypte et de l’esclavage des addictions ou de la culture de mort.

Mais justement à cause de cette œuvre de Dieu qui libère l’homme et qui libère ses capacités de faire le bien, cette même foi d’Israël et de l’Eglise appelle d’autant plus fortement les croyants à exercer leur liberté de façon responsable, à ne pas capituler d’avance devant les défis du monde, et à transformer ce monde pour le rendre meilleur, c’est-à-dire plus humain.

Cet appel à transformer le monde, c’est celui que nous entendons ce matin dans l’évangile par la bouche de Jean-Baptiste : « préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers ». Ce redressement des voies de Dieu auquel nous sommes appelés, c’est le redressement de nos cœurs, de nos paroles et de nos comportements qui sont les voies habituelles par lesquelles Dieu passe, et que nous tordons par nos convoitises et par nos divisions. Ce redressement auquel Jean-Baptiste le prophète nous appelle, c’est notre conversion individuelle, mais aussi notre conversion collective, pas l’une sans l’autre.

Comprenons-le bien, Frères et Sœurs, c’est toujours Dieu le premier qui nous aime, qui nous ouvre des perspectives nouvelles, qui nous fait rencontrer les lieux, les communautés, les personnes, les prophètes qui nous parleront de lui et nous tourneront vers lui. Mais comprenons aussi et surtout, ce matin, que Dieu qui frappe ainsi à la porte de notre cœur attend que nous lui ouvrions, que nous répondions, que nous nous convertissions en changeant concrètement de vie. Et cela, il ne le fera pas à notre place. Pour lui, nous ne sommes pas des marionnettes. Nous sommes des partenaires, des vrais partenaires qu’il aide et qu’il soutient, mais qu’il veut véritablement libres d’aimer dans la justice et la fidélité.

Même si nos vies blessées ont toujours besoin d’être d’abord guéries pour aller de l’avant, une fois que la guérison a commencé, que le baptême, le don de l’Esprit, les sacrements, la vie spirituelle ont commencé, une fois que Dieu a parlé dans nos existences et qu’il s’est manifesté d’une manière ou d’une autre, il nous appartient de lui répondre en nous attachant à lui, en nous écartant de ce qui n’est pas lui, en écoutant ce qu’il dit par la prière et par l’enseignement de l’Eglise, et en nous engageant dans la vie de nos communautés chrétiennes.

Un chrétien vivant, qui se laisse effectivement transformer par Dieu, c’est un chrétien qui prie, qui se forme dans sa foi, qui parle de sa foi avec assurance, qui rend des services et qui noue des relations fraternelles avec ses frères chrétiens y compris les plus pauvres et les plus isolés. Vivre ainsi, Frères et Sœurs, c’est vivre son baptême. C’est accueillir la grâce du Christ qui fait sortir de la mort spirituelle et qui fait entrer en communion avec les frères et les sœurs que Dieu nous donne dans l’Eglise.

Mais quand on parle ainsi, on doit ajouter que la bonté de Dieu n’est pas naïve. Elle connaît bien le cœur humain et ses mensonges. C’est pour cela que Jean-Baptiste est rude et dur à entendre. Il est habillé de poil de chameau et de ceinture de cuir exactement comme le prophète Elie qui dénonçait déjà énergiquement les falsifications de la religion à son époque, et qui exhortait les dirigeants d’Israël à revenir au respect du vrai Dieu et de ses lois pour que le pays se libère des injustices et de la corruption. Jean-Baptiste aussi, en son temps, dénonce l’instrumentalisation de la religion chez beaucoup de responsables pharisiens ou sadducéens qui se font publiquement pardonner leurs fautes, mais qui ne changent rien à leur vie. Et, dans la même ligne, nous avons aujourd’hui des prédateurs sexuels qui ont également instrumentalisé le sacrement du pardon pour couvrir leurs abus contre des personnes faibles, et pour ne rien changer à leurs comportements scandaleux. Mais il y a, dans l’Eglise, des Jean-Baptiste et des prophètes Elie qui travaillent ardemment à neutraliser les agresseurs et à réparer les torts infligés aux victimes. Et l’esprit de redressement qu’on exige des responsables d’églises commence à produire des résultats concrets dans le suivi des individus et la collaboration avec les pouvoirs publics.

Mais plus encore, ce même esprit de redressement qu’on est en droit d’attendre des pasteurs catholiques pour la vie interne de l’Eglise, on doit aussi l’entendre lorsque ces mêmes pasteurs et leurs fidèles s’adressent au monde actuel et dénoncent aussi ardemment la destruction progressive de la cellule familiale par la dénaturation programmée de l’engendrement humain, de sorte que sauvegarder l’humanité elle-même est aussi urgent que sauvegarder la planète.

Eh bien, sur ce point comme sur d’autres, nous ne sommes pas autorisés à céder au fatalisme. Nous pouvons changer quelque chose à notre monde. Les appels des prophètes Elie et Jean-Baptiste sont là pour le redire, aussi bien pour purifier la conduite humaine en Israël et dans l’Eglise que pour dénoncer, dans le monde, la loi du plus fort et l’illusion de la technique toute-puissante.

Et pour cela, Frères et Sœurs, la bonté de Dieu n’est pas mesquine. Elle fait surgir la paix du Christ et la consolation de l’Esprit-Saint dès ce monde-ci qui est de plus en plus traversé par la violence et la douleur. Et les prophètes sont encore là pour nous redire, dans la première lecture, que le monde nouveau est déjà né parmi nous, et que c’est ce monde-là qui subsistera dans la gloire de Dieu quand tout le reste aura été rejeté.

La paix universelle décrite par Isaïe entre les hommes et même les animaux n’existera qu’au ciel. Mais elle germe déjà dans les cœurs et dans les vies des artisans de paix qui se laissent guider par l’Esprit de Dieu pour juger des choses avec droiture, et pour connaître leur créateur et son amour qui seul peut nous sauver.

Alors, puisque notre créateur va venir à Noël sous la forme d’un enfant, à nous de lui répondre par notre pauvre amour afin que nous puissions le recevoir dans nos cœurs, et afin que sa joie qu’il va nous donner nous puissions la partager autour de nous. Amen.

Père Patrick Faure

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