« Ils viennent de la grande épreuve »

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Homélie prononcée le 1er novembre 2020

Alors que le monde est tourmenté, aux prises avec le mal, la foule immense des serviteurs de Dieu est rassemblée devant son Trône et devant l’Agneau pour adorer et chanter les louanges de Dieu. C’est ce que l’apôtre Saint Jean nous montre dans ce passage de l’Apocalypse entendu en première lecture. Cette vision nous fait du bien en ces temps d’épreuves. Le monde nouveau est déjà là mystérieusement dans notre monde en souffrance et il tend à son accomplissement à travers les soubresauts de l’histoire.

Ces gens qui ont obtenu la grâce de se tenir devant Dieu et devant le Christ ressuscité sont revêtus de la robe baptismale, ou robe nuptiale ; « ils les ont blanchies dans le sang de l’Agneau » : c’est-à-dire qu’ils ont été lavés, sauvés, sanctifiés par le sacrifice du Christ. La sainteté est un don de Dieu, de son amour surabondant, une grâce qui vient de la Pâque du Christ ; elle n’est pas d’abord une ascèse, ou l’aboutissement d’efforts héroïques, mais le fruit de la grâce transformante dans la vie des croyants. La sainteté, c’est la miséricorde divine qui se déploie dans une vie humaine ; elle est donnée gratuitement dès le baptême ; n’oublions jamais que nous l’avons reçue. Elle nous est confiée pour que nous la fassions fructifier dans nos vies, mais malheureusement nous la laissons souvent s’atrophier en nous attachant davantage aux biens de ce monde qu’aux richesses de cœur et d’âme. Si nous voulons partager la gloire des saints, il nous faut donc nous appuyer sur la miséricorde divine, sur l’amour que Dieu nous porte, amour constant et fidèle, et le partager à tous. La grâce de Dieu ne fait jamais défaut quelles que soient les circonstances de nos vies.

Le passage de l’Apocalypse que nous avons entendu nous dit clairement la présence du monde nouveau au cœur du monde ancien en train de disparaître. Ce monde nouveau, le royaume de Dieu, naît dans le cœur des croyants et il s’épanouit en ceux qui entretiennent une relation vraie et fidèle à Dieu dont ils sont devenus les enfants. Le monde nouveau se donne à voir dans la vie ordinaire des croyants qui refusent de se laisser conduire par leurs désirs égoïstes, qui refuse de se laisser piéger par la logique du mal, mais dont la vie est fécondée par la foi, l’espérance et la charité, et par le don de l’Esprit Saint. Le monde nouveau se donne à voir dans l’attention aux autres, dans la communion fraternelle des communautés chrétiennes, dans l’engagement envers les plus fragiles de notre société. Les saints ne sont pas seulement ceux qui sont au ciel après avoir achevé leur course sur la terre ; les saints sont au milieu de nous, dans nos immeubles, nos villes et villages, et pas toujours sous une étiquette chrétienne. Ils avancent humblement sur le chemin exigeant et stimulant du véritable amour.

La sainteté, donnée dans le baptême, s’épanouit dans un monde pécheur et en souffrance. Le royaume s’édifie ici et maintenant. N’attendons pas des temps plus favorables pour déployer notre foi, notre espérance et notre charité, ne cherchons pas un ailleurs. Le Seigneur nous a mis en ce monde, en cette période de l’histoire pour y semer les semences du royaume. L’Evangile des béatitudes, que nous venons d’entendre, s’adresse à des disciples vivant dans un monde perturbé, mais accueillant en eux le monde nouveau, par l’écoute de la Parole de vie et l’accueil de la grâce qui conduit à la lente transformation de leur cœur. Ecoutons l’Evangile des béatitudes dans le contexte qui est le nôtre, en ces temps-ci où s’accumulent les crises et les épreuves. Les béatitudes prennent une nouvelle vigueur, car l’actualité nous montre les conséquences désastreuses de l’orgueil, de l’indifférence, de la violence, de l’injustice, de l’absence de miséricorde, de la jouissance égoïste, de l’agressivité, et de tous les péchés qui défigurent l’humanité.
Dans cet évangile, Jésus nous révèle le secret du monde nouveau et de la victoire sur le mal, le portrait d’une humanité réconciliée. Il est la feuille de route pour l’avenir.

Face au mal qui se déchaîne, nous sommes tentés de réagir par la force. Certes une force publique est nécessaire dans chaque pays pour faire respecter les lois et maintenir la paix. Mais plus importante est la force intérieure qui permet de ne pas répondre à l’agressivité par l’agressivité. Le Sauveur que nous suivons est doux et humble de cœur. L’humilité est au fondement du monde nouveau avec la douceur qui est le seul remède à la violence. Humilité et douceur ne sont ni faiblesse ni soumission servile, mais une force intérieure qui désarme l’adversaire. La force de l’humilité est la vérité, le principe de réalité, la reconnaissance de nos limites. La vérité finit toujours par triompher.

Certains pensent rendre justice à Dieu, réparer les blasphèmes à son égard, en Lui offrant des sacrifices humains. D’autres pensent rendre justice à leurs camarades lâchement assassinés par la surenchère d’une provocation qui méprise les valeurs de bien des gens et les blesse. Jésus nous propose la compassion, la vulnérabilité de l’amour, la miséricorde. La victoire est dans le pardon, le respect de chacun, de sa vie, de ses valeurs, de ses droits, de sa dignité ; elle est dans le dialogue, la rencontre, la fraternité. Heureux les artisans de paix !

Certains cherchent leur plénitude dans la jouissance et deviennent esclaves de leurs désirs insatiables ; Jésus nous enseigne la pureté de cœur qui est le contraire de la culture « selfies » ; elle est fruit du don de soi, du renoncement à se regarder sans cesse. La pureté de cœur est repos de l’âme, disponibilité et ouverture à l’autre.

Voilà les germes de la sainteté et du bonheur que Dieu a déposés dans nos cœurs et que nous sommes appelés à cultiver avec sa grâce. Voilà les germes du monde nouveau. C’est ainsi en suivant le Christ sur ce chemin, qui peut passer par des persécutions, que nous devenons toujours davantage enfants de Dieu, et que nous pourrons nous retrouver devant Lui, avec la foule immense des saints, pour le contempler face à face. « Nous serons semblables à Lui car nous le verrons tel qu’Il est ».

+ Guy de Kerimel
Evêque de Grenoble-Vienne

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