L’Ascension et le Retour du Christ

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Homélie prononcée le 22 mai 2020

Frères et Sœurs,

Il est étonnant que l’Ascension soit une fête, car l’Ascension est un départ, une séparation. Le Christ quitte ses apôtres. Et l’on ne se réjouit pas de voir partir quelqu’un qu’on aime. Du reste, dans la première lecture que nous avons entendue, le récit des Actes des Apôtres écrit par saint Luc (Ac 1,9-12) ne nous dit pas que les Apôtres étaient heureux de voir Jésus s’en aller définitivement. Après l’Ascension, les Apôtres sont rentrés à Jérusalem, et ils sont restés en prière pour attendre ce que Jésus leur avait promis quand il était encore avec eux. Il est donc étonnant que l’Ascension soit une fête.

Disons que l’Église fête le départ du Christ parce qu’elle croit qu’il reviendra un jour dans la gloire : « ce Jésus qui vous a été enlevé dans la nuée – nous ont dit les Actes des Apôtres – reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel ». Et le Christ lui-même annonce son retour en disant : « on verra le Fils de l’Homme venir dans une nuée avec puissance et grande gloire » (Lc 21,27).

L’Église fête le départ du Christ à l’Ascension parce que ce départ hors de notre monde contient l’annonce d’un retour dans notre monde, retour glorieux – comme nous le disons dans le credo « il reviendra dans la gloire » – mais retour dans notre monde – et cela nous n’y pensons pas assez, parce que nous sommes habitués à situer ce retour du Christ à la fin du monde, à la fin de l’histoire. Mais l’évangile ne dit pas cela. Et il fait plutôt dire au Christ : « quand le Fils de l’Homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc 18,8). C’est donc bien dans notre monde tel qu’il est qu’un jour le Seigneur Jésus reviendra.

En attendant, il nous a quittés. Nous ne le voyons plus comme il y a 2000 ans. Les apôtres l’ont vu partir dans une nuée, dans le ciel de Jérusalem. « Il reviendra de la même manière », nous dit saint Luc dans les Actes des Apôtres, et donc pourquoi pas dans une nuée ? …pourquoi pas dans le ciel de Jérusalem ? Mais en tout cas dans notre monde. Ce retour glorieux du Christ s’accomplit dans une nuée. Il n’est donc pas immédiatement perceptible à l’œil nu, de manière évidente et claire, et il réclame un certain discernement. Mais ce retour s’accomplira dans ce monde-ci que nous connaissons. Et ce sera une grande joie pour l’Église qui verra son époux d’une manière nouvelle et glorieuse. Là est la joie de l’Ascension.

La joie de l’Ascension, ce n’est pas seulement la joie de savoir qu’au ciel un être humain est désormais pour toujours dans la gloire de Dieu, et que l’amour éternel de Dieu passe désormais par un cœur d’homme ressuscité. La joie de l’Ascension n’est pas seulement la joie de savoir qu’au ciel l’un d’entre nous a reçu tout pouvoir, comme vient de nous le dire l’évangile selon saint Mathieu, qu’il nous précède, nous attend, nous élève comme un premier de cordée, en nous donnant sur terre son Esprit-Saint, son corps et son sang dans l’Eucharistie et dans la vie de l’Eglise. Tout cela, bien sûr, est déjà une splendeur inimaginable.

Mais dans la joie de l’Ascension, il y a plus encore. Il y a l’espérance que celui-là qui nous précède au ciel reviendra un jour dans notre monde et dans notre histoire non pas d’abord pour les détruire ou pour y mettre fin, mais pour s’y manifester d’une manière nouvelle, dans une nuée qui sera glorieuse aux yeux des croyants et qui marquera le début d’une ère nouvelle pour la vie de l’Eglise.

Car de même que la première venue de Jésus, celle qu’on appelle « sa venue dans la chair » ou « son incarnation », a eu un commencement avec sa naissance à Noël, a duré pendant toute l’époque de sa vie terrestre, et s’est achevée par sa résurrection à Pâques et son Ascension au ciel 40 jours plus tard, de même la dernière venue de Jésus en notre monde, celle qu’on appelle « sa venue dans la gloire », aura, elle aussi, semblablement, un commencement comme une renaissance, et durera comme une nouvelle époque, et s’achèvera par la résurrection des morts et la montée du monde en Dieu.

Et pour les Actes des Apôtres, cette dernière venue du Christ, ce retour glorieux, commencera lorsque le peuple juif reconnaîtra en Jésus son messie : « convertissez-vous, dit saint Pierre aux juifs de Jérusalem, et Dieu enverra le Christ » (Ac 3,19-21). Et d’après saint Paul, cette conversion d’Israël sera pour le monde entier « comme une vie d’entre les morts » (Rm 11,15), comme une renaissance pour notre monde parce qu’elle sera une participation nouvelle à la résurrection du Christ.

Frères et Sœurs, nous vivons dans un monde de bouleversements où il ne suffit pas d’avoir des idées justes pour avoir raison, et pour gagner l’assentiment de nos contemporains. Nous vivons dans un monde qui manque et qui va manquer de plus en plus d’espérance et de confiance dans son propre avenir, tellement sa religion de la croissance indéfinie et de la technologie mondialisée le fragilise face au risque d’extinction de l’espèce humaine, extinction provoquée par des pandémies à répétition sur fond d’échauffement mortel du climat planétaire, ou extinction provoquée par une guerre nucléaire ou un transhumanisme déshumanisant sur fond d’effondrement de civilisation.

Nous n’allons pas vers un monde meilleur et plus facile, comme on l’a longtemps pensé depuis le XVIIIe siècle, et plus encore depuis la fin de la seconde guerre mondiale quand il fallait tout reconstruire. Nous allons vers la Pâque du monde, c’est-à-dire vers sa croix comme qu’il ne l’a jamais connue, et vers sa résurrection comme il ne l’a jamais connue. Or, l’Ascension du Christ nous fait aimer l’avenir concret de ce monde-ci dans lequel nous vivons, et dans lequel un jour Jésus reviendra pour le conduire à Dieu. Il y a là une ouverture qui doit nous réjouir en tant que croyants.

Cette espérance doit nous élargir le cœur au-delà de notre seule personne et de nos cercles familiers. Telle est la grandeur de l’amour. Car le Christ n’est pas seulement le sauveur des personnes individuelles qui au-delà de leur mort trouvent en lui un paradis sur mesure. Le Christ est le sauveur du monde et de l’histoire pour que ce monde et cette histoire produisent une humanité qui soit selon le cœur de Dieu, même si cette humanité n’est qu’un petit reste. Et ce sera ce reste de croyants qui se réjouira de voir les signes de la venue du Christ, au milieu des convulsions mais aussi des conversions de notre monde.

L’histoire du Christ et de l’Église n’est pas finie. Le Seigneur vient chaque jour dans l’Esprit-Saint et dans l’Eucharistie, non pas pour remplacer mais pour préparer les jours où il viendra dans sa nuée de gloire. En cette fête de l’Ascension aimons davantage l’avenir de notre monde qui est un avenir à la fois d’épreuves et de joies, de croix et de gloires, mais un avenir où Jésus vient à notre rencontre. C’est une façon de témoigner de notre espérance et de montrer à nos contemporains la confiance en nous-mêmes et en ce monde que nous donnent notre foi et notre amour de Dieu. Amen.

Père Patrick Faure

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