Le Baptême du Fils de Dieu

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Homélie prononcée le 9 janvier 2022

Frères et Sœurs,

dimanche dernier nous avons fêté l’Épiphanie, avec l’apparition de l’étoile qui a guidé les mages. Ce matin, nous fêtons une nouvelle épiphanie, celle de la voix de Dieu qui retentit dans le ciel, avec l’Esprit-Saint qui apparaît comme une colombe au-dessus de Jésus sortant de son baptême dans les eaux du Jourdain, cela pour manifester publiquement, à tout Israël, qu’il est le Fils de Dieu. Non pas fils de Dieu d’une manière symbolique ou allégorique, comme on le disait des rois qui étaient des représentants de Dieu pour gouverner le peuple. Mais fils de Dieu de manière transcendante et unique, parce que le ciel s’est ouvert pour dire cette filiation divine extraordinaire de Jésus.

Le ciel s’est ouvert, et la communication s’est rétablie entre Dieu et l’humanité, communication directe où Dieu ne vient plus seulement dans le feu du buisson ardent pour parler à Moise, ni dans la colonne de nuée pour guider Israël hors d’Égypte et dans le désert, ni même sur l’Arche d’Alliance pour pardonner les péchés du peuple, ni même dans la parole des prophètes pour exhorter les princes à observer la loi. Mais, communication directe et indépassable où Dieu est sur terre, ici et maintenant, et où sa Présence Réelle se révèle et se déclare tout entière et inimaginable en Jésus de Nazareth qui s’immerge complètement dans les eaux du Jourdain, comme un homme au milieu des hommes, saint des saints au milieu des pécheurs.

Et c’est bien là le caractère extraordinaire de notre foi chrétienne, Frères et Sœurs. Le Christ commence son ministère public en étant proclamé Fils de Dieu, c’est-à-dire Dieu lui-même, le Fils du Père qui est aux cieux, dans l’intimité de leur amour mutuel qui est l’Esprit-Saint. Mais qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela veut dire qu’en cet homme juif, Jésus de Nazareth, en tout point semblable à nous, « reconnu homme à son aspect », dira saint Paul (Ph 2,7), Dieu est là, Dieu le Tout Autre, celui que le ciel et la terre ne peuvent pas contenir, celui qui dépasse l’imagination, celui à côté de qui la science-fiction la plus aventureuse n’est qu’une grossière imagerie terrestre ou extra-terrestre, celui à côté de qui la réalité elle-même quand elle dépasse la fiction – comme on dit – n’est encore qu’une réalité trop petite, trop étroite et trop courte, par rapport à sa gloire et sa puissance infinies.

Et saint Paul, encore lui, le dira : « il s’est vidé » (Ph 2,7) pour se faire l’un de nous. Il s’est « anéanti » pour se faire homme, enfant dans les bras de Marie, disciple baptisé par Jean-Baptiste, rabbin nazaréen crucifié sous Ponce Pilate. Scandale pour les Grands-Prêtres de Jérusalem qui crient au blasphème. Scandale aussi pour l’islam et pour la foi musulmane. Oui, scandale. Et il est bon quelquefois que des adversaires ou même des amis juifs ou musulmans nous rappellent que notre foi chrétienne est une folie. Et nous répondons « oui, c’est une folie ». Mais c’est la folie de l’amour, de l’amour infini qui est plus sage que les hommes (1Co 1,25).

Cette folie d’amour de notre Dieu pour notre terre et notre humanité, cet amour fou qui fait que Dieu s’incarne en Jésus, c’est l’amour du Père et du Fils. Et c’est l’Esprit-Saint qui apparaît sous la forme d’une colombe au-dessus des eaux du Jourdain.

Une colombe, comme à l’origine du monde, sur les eaux primordiales de la Genèse, pour nous dire qu’en Jésus tout sera recrée par l’Esprit dans la puissance de la résurrection.

Une colombe, comme sur l’arche de Noé à la fin du déluge, pour nous dire qu’en Jésus le naufrage du monde a définitivement cessé. Oui, le naufrage du monde, emporté par ses déluges de violences et de mensonges. Voilà une grande consolation, Frères et Sœurs, pour parler comme Isaïe dans la première lecture.

Le baptême du Christ qui manifeste l’Esprit-Saint sous la forme d’une colombe, notre baptême chrétien qui est notre immersion dans ce même Esprit-Saint, nous dit et nous fait dire que le déluge, le naufrage du monde a définitivement cessé. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura plus de destruction naturelle ou humaine de grande envergure, peut-être même capable d’anéantir la planète. Mais cela veut dire que, désormais, à cause du Christ crucifié pour le monde et ressuscité pour le monde, tout ce qui fait le monde est à jamais dans la mémoire de Dieu, gravé sur les paumes de ses mains (Is 49,16), et gardé en réserve pour l’éternité, c’est-à-dire pour cet avenir vers lequel nous allons tous.

Malgré le nazisme et la Shoah, malgré le stalinisme et le goulag, malgré les déflagrations nucléaires et les millions de morts du XXe siècle, nous n’allons pas vers le néant ni vers la disparition sans reste de notre terre et de l’humanité. Nous allons vers Notre Père qui est au cieux. Et nous y allons avec la création tout entière autour de nous, quelles que soient les apocalypses par lesquelles nous devrons encore passer. Tout cela, parce que, désormais, les cieux sont ouverts, et que Dieu se donne à nous tout entier, dans son Fils et dans son Esprit.

Et quand Dieu entre ainsi dans l’histoire des hommes, au point de se faire l’un d’entre eux, et de subir l’une des pires humiliations qu’ils sont capables d’infliger à leurs semblables, alors l’histoire des hommes est transformée. Les soldats massacrés comme des bêtes sont dans le cœur transpercé du Christ. Les populations ravagées par les bombes et les épidémies sont clouées sur la croix avec le Fils de Dieu. « Pas un seul de vos cheveux n’est perdu », nous dit Jésus dans l’Évangile (Lc 21,18), parce que la toute-puissance de Dieu, c’est d’être tout présent et tout aimant au moindre instant de notre vie, c’est de garder dans sa mémoire de Père cet instant heureux ou malheureux, et nous le rendre dans l’éternité, purifié, lavé, sanctifié par la lumière de son Amour et la puissance de son Esprit. C’est ça la toute-puissance de Dieu.

C’est pour cela que l’amour du Christ nous transforme quand nous lui ouvrons notre cœur. C’est pour cela que l’Esprit-Saint change quelque chose dans notre vie quand nous l’accueillons vraiment dans la prière, dans la vie fraternelle, et dans la conversion de notre vie morale, et pas seulement comme une belle idée, ou comme un bon sentiment.

Notre baptême n’est pas un bien culturel, ni une convention sociale, ni un rite identitaire. Notre baptême, c’est notre plongée en Jésus de Nazareth. C’est notre immersion dans sa mort et sa résurrection, pour que nous apprenions à mourir avec lui et à renaître avec lui, tous les jours de notre vie jusqu’à nos derniers jours.

Cette alliance invisible est plus réelle et plus efficace que nos contrats et nos partenariats parce qu’elle nous prend dans notre esprit, nous sauve de la mort éternelle, et nous fait goûter la joie de Dieu dès ici-bas. Cette alliance invisible est scellée dans les eaux du baptême, le baptême de Jésus au Jourdain, et notre baptême dans tous nos baptistères.

Alors, Frères et Sœurs, prenons simplement et humblement conscience de la source d’éternité que nous avons reçue et qui est en nous en ce moment. Et, au-delà de toutes nos crises, laissons-nous inonder par la vie et l’amour infinis de notre Dieu trois fois saint. Et nous porterons à notre monde la lumière puissante d’une indéfectible espérance. Amen.

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