Le père et ses deux fils

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Homélie prononcée le 27 septembre 2020

Frères et Sœurs,

dimanche dernier, la parabole des ouvriers de la onzième heure nous disait qu’à tout âge de la vie Dieu nous appelle à découvrir son Royaume sur la terre, c’est-à-dire à vivre dans sa grâce, dans sa présence, dans la joie de son intimité, implicitement et obscurément si, pour toutes sortes de raisons, nous sommes à distance de l’évangile, et en pleine lumière et en abondance, si nous avons la chance d’être baptisés dans le Christ et de goûter à la profondeur de la vie chrétienne. Et, ce faisant, la même parabole nous faisait comprendre aussi que, selon les époques de notre vie, nous pouvons répondre tout simplement « oui » à cet appel de Dieu, ou bien lui répondre « non », de manière plus ou moins durable, et arriver plus ou moins tard dans son royaume.

Eh bien, ce matin, l’évangile nous montre, en quelque sorte, qu’il y a deux manières de répondre « non » à l’appel de Dieu. Et ces deux manières de dire « non » sont représentées, dans la parabole de Jésus que nous venons d’entendre, par deux fils qui répondent tous les deux « non » à leur père lorsqu’il leur demande d’aller travailler dans sa vigne, comme Dieu nous appelle à entrer dans son royaume et à y travailler à notre conversion.

La première manière de répondre « non » à l’appel de Dieu, c’est de faire comme le premier fils de la parabole qui oppose un refus catégorique, mais qui, ensuite, après une certaine réflexion, se repent, se convertit, et finalement dit « oui » à l’amour de Dieu, et va faire un grand pas en avant pour entrer dans son royaume. Et l’autre manière de dire « non » qui est plus grave que la première et plus lourde de conséquences, c’est celle qui consiste à dire « oui » en apparence, mais à ne pas se laisser toucher dans son cœur par cet amour de Dieu, par cette vie dans sa grâce, et à rester là où l’on se trouve.

La première manière de répondre « non » à l’appel de Dieu, c’est la manière des publicains et des prostituées de la parabole du Christ. C’est la manière des Zachée ou des Marie-Madeleine qui ont mené des vies opposées à la volonté de Dieu, contraires à sa loi et à ses appels. Mais ce sont des personnes qui ont entendu la prédication de Jean-Baptiste sur la justice, sur le redressement et sur la conversion morale parce que le Messie allait venir, parce qu’un grand amour allait surgir en Israël. Et ces publicains et ces prostituées ont été bouleversés. Voilà que ces hommes et ces femmes ont été touchés par ce grand témoin qu’était Jean-Baptiste. Et, à leur tour, ils sont devenus eux-mêmes des grands témoins de cet amour de Dieu.

En revanche, l’autre manière de dire « non » à l’appel de Dieu en lui disant « oui » en apparence, mais en apparence seulement, c’est la manière des grands prêtres, des anciens du peuple et des responsables religieux d’Israël au temps du Christ qui ont vu et entendu Jean-Baptiste, reconnu peut-être un certain temps qu’il était un prophète, mais qui n’ont pas, pour autant, changé de vie, redressé leurs voies, comme Jean-Baptiste le leur demandait. Ces habitués de Dieu qui lui disaient « oui » en beaucoup de choses touchant la volonté divine et la pratique religieuse, en réalité, dans leur cœur, ont été insensibles au témoignage de Jean, et, surtout, ont été insensibles, comme le Christ le leur reproche, au témoignage des publicains et des prostituées qu’ils voyaient se convertir. Le Christ ne leur reproche pas d’avoir été fidèles à la loi de Dieu, ni d’avoir été réguliers dans leur pratique, ni d’avoir exercé des responsabilités pastorales sur le peuple de Dieu, non, certainement pas.
Le reproche que le Christ leur fait, c’est de ne pas s’être laissés bouleverser, toucher le cœur par ces grandes conversions qui venaient manifester ce dont eux-mêmes étaient les gardiens.

Et c’est là, Frères et Sœurs, que nous pouvons ressembler à ces responsables auxquels Jésus s’adresse, au sens où, dans la vie régulière, la vie pratiquante et fidèle à ce que le Seigneur nous demande, nous risquons nous aussi de regarder simplement de loin, et d’approuver simplement verbalement les publicains et les prostitués qui se convertissent, sans être nous-mêmes touchés, bouleversés, déplacés par leur itinéraire et par leur témoignage. Certes, nous pourrons les admirer un instant et beaucoup parler d’eux, mais sans pour autant que leur témoignage nous fasse évoluer dans notre propre relation à Dieu.

Or, ce que ces premiers fils de la parabole viennent dire à ces seconds fils que nous risquons d’être, c’est que le grand amour qui les a bouleversés, qui les a fait changer de vie, ce grand amour, nous en sommes, nous, les gardiens, non par notre mérite mais par fidélité de Dieu envers nous. Ce que ces publicains et ces pécheurs viennent dire aux habitués que nous sommes, c’est qu’au milieu du monde où nous vivons nous portons comme dans des vases d’argile une vie dans la grâce et dans l’intimité de Dieu qui garde le sens de la justice et de l’éternité, non pas à cause de nos vertus mais à cause de la miséricorde et du pardon de Dieu envers son peuple.

Ce qu’il nous faut comprendre, Frères et Sœurs, c’est que les nouveaux convertis d’aujourd’hui qui peuvent arriver de très loin ne viennent pas à l’Eglise pour y rejoindre les honnêtes gens qui sont bien en harmonie avec la morale traditionnelle. Non, ces catéchumènes de tous horizons, ces hommes et ces femmes qui se battent pour trouver le Christ, par leurs conversions grandes et belles, nous disent qu’ils veulent répondre et s’attacher à un grand amour qui vaut mieux que la vie, parce que cet amour donne déjà sur la terre le goût de l’amour éternel plus fort que la désespérance, plus fort que les addictions et les dépendances, plus fort que les trahisons et que le mal.

Et la leçon de la parabole, c’est que ceux-là et celles-là qui arrivent de loin doivent nous faire comprendre que l’amour qui nous attache, nous, au Christ, fidèlement et régulièrement, d’un dimanche à l’autre, n’est pas un amour qui tient dans les limites de la simple raison, n’est pas un élan du cœur et de la vie qui n’a pour but que la stabilité de la société, les bonnes relations et la bonne éducation.

La leçon de la parabole, c’est que les nouveaux convertis et les catéchumènes qui viennent demander le baptême, et aussi celles et ceux qui reviennent à l’Eglise après l’avoir quittée pendant longtemps, viennent trouver ou retrouver un grand amour qui est, en réalité, au cœur de notre foi pour porter nos vies, une grande espérance qui est au cœur de nos projets pour soutenir nos existences, lors même que nous connaissons les échecs, les scandales ou les divisions.

Frères et sœurs, nous ne sommes pas fidèles à l’Eucharistie pour transmettre simplement des valeurs morales et humaines, positives et constructives, à nos descendants et autour de nous. Non, nous sommes fidèles à l’Eucharistie pour nous laisser, de dimanche en dimanche, nourrir par un grand amour qui vient du ciel, qui descend dans nos cœurs et dans nos vies pour sauver toutes nos facultés d’aimer, en les purifiant, en les sanctifiant, en les transfigurant afin qu’elles portent déjà sur la terre quelque chose de la lumière de Dieu, et qu’au ciel, dans l’éternité, nous célébrions ce qu’elles auront produit de meilleur.

Alors, Frères et Sœurs, demandons à Dieu la grâce non seulement de voir et d’entendre les grands témoins de la foi d’aujourd’hui, ceux qui viennent de loin et qui vont loin dans le royaume de Dieu, mais la grâce de comprendre que leur témoignage n’est pas fait pour être simplement regardé ou admiré mais pour nous révéler la profondeur, la hauteur et la largeur – comme le dit l’épître aux Ephésiens – de cet amour que Dieu nous donne tous les jours et qui nous habite, et dans lequel nous désirons vivre pour qu’il nous élève jusqu’à lui.

Là est la source de notre joie missionnaire. Là est le ressort de notre sortie vers le monde et ses périphéries, comme les appelle le pape François. Puissions-nous, avec une telle ouverture dans nos cœurs, répondre aux appels de Dieu, et, quels que soient nos refus temporaires, être des hommes et des femmes de cœur qui, finalement, iront travailler dans sa vigne pour goûter l’immense bonheur de vivre avec lui et de le répandre autour d’eux. Amen.

Père Patrick Faure

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