Le riche et le pauvre Lazare

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Homélie prononcée le 27 septembre 2025

Je ne vous apprends rien en vous disant que le choix des lectures à la messe le dimanche n’est pas fait au hasard. En règle générale, la première lecture tirée de l’Ancien Testament est choisie en fonction du texte retenu pour l’évangile.
Aujourd’hui, le lien entre les deux est bien évident. Les diatribes du prophète Amos (vers 750 avant Jésus-Christ) donnent le même message que celui de la parabole célèbre du riche et du pauvre Lazare qu’on vient d’entendre.
Dans les deux cas, ce qui est dénoncé, c’est l’appropriation des biens sans aucun sens de leur relativité. C’est d’en faire le seul but de la vie, de les regarder comme le but ultime de la vie, d’être devenu esclave de la richesse…et on peut devenir esclave de beaucoup de choses, pas seulement de l’argent…
Ce chemin est décrit comme un chemin sans issue, ou plutôt avec une issue fatale. Le passage par la mort éternise ce que nous avons été. Ceux qui vivent bien tranquilles et ceux qui se croient en sécurité « couchés sur des lits d’ivoire, vautrés sur leurs divans » annonce Amos « vont être déportés, ils seront les premiers des déportés ; et la bande des vautrés n’existera plus ». Leur futur, prédit le prophète Amos, est un futur de douleurs et de souffrances loin des leurs dans le malheur.
En s’appuyant sur une histoire racontée de son temps, Luc décrit quelque chose de semblable. Il utilise des images qui étaient bien connues. Le riche étant passé par la mort, il est présenté dans une situation de souffrances et de regrets. Sa nouvelle vie est loin de celle du pauvre Lazare qui était au pied de sa table et qu’il voit maintenant tout près d’Abraham. Cela nous dit que notre vie humaine est quelque chose de sérieux. Elle n’est pas le brouillon de ce qui peut être recommencé au prix de multiples réincarnations. En quelque sorte, chaque journée, chaque geste et chaque choix deviennent semence d’éternité. Mais pour autant, est ce que Lazare est accueilli par Dieu juste parce qu’il est pauvre ? Est-ce que le riche est exclu parce qu’il était riche... Il n’est pas dit qu’il était malhonnête ou méchant ! Le salut a -t-il à voir avec notre condition sociale ? Dans ce cas, pour beaucoup d’entre nous qui vivons dans des pays riches, nous avons du souci à nous faire !
Le riche qui n’a pas de nom, et donc pourrait être un peu chacun d’entre nous, sollicite Abraham pour que le pauvre Lazare qu’il méprisait de son vivant intervenienne en sa faveur et par ailleurs, ce riche veut éviter à ses frères le même sort que le sien. Comme quoi, malgré ce grand abîme qui les sépare, il y a encore une communication possible. Confronté à la souffrance, il s’attend à ce minimum de compassion qu’il n’a pas su accorder au pauvre et il demande à Abraham : « Envoie Lazare pour soulager ma souffrance, car je souffre terriblement ». Ce riche fait finalement preuve d’une certaine humilité. Et remarquons aussi qu’il a un souci des autres, de ses frères. Est-ce que le feu qui le brûle, au lieu d’être la punition éternelle, ne serait-il pas le feu de la purification ; le grand abîme, une longue nuit à traverser jusqu’à la lumière de la résurrection ? La résurrection, une lumière promise aux riches comme aux pauvres, pourvu de le vouloir.
D’un autre côté, on pourrait penser que cette parabole nous fait entrer dans le cercle vicieux de l’indifférence, dans le chacun pour soi. Vous savez qu’on a fait dire à des textes comme celui-ci des choses comme : « Si vous êtes pauvre, ne vous en faites pas… vous serez comblés dans l’au-delà. Il suffit d’attendre et, donc, de se résigner » Le fameux opium du peuple cher à Marx. Ou au contraire, si vous êtes riche, vous serez malheureux après votre mort ! La loi, les Prophètes et le Ressuscité ne nous ont-ils pas invité à autre chose ?
L’objectif de la parabole n’est pas de nous convaincre ou de susciter la peur, mais elle vise à nous entraîner dans une relation qui transforme notre regard pour nous mobiliser dans l’action : Quel est le regard que je porte sur les autres ? La conversion qui nous entraîne à la suite du Christ n’est pas le résultat d’un raisonnement ou la conséquence d’une information, mais un choix, une orientation de toute la vie qui nous renvoie vers les autres, et en priorité les plus pauvres. L’enjeu de cette parabole – propre à l’évangéliste Luc – est bien de nous interpeller sur le regard que nous portons autour de nous, car ce regard est à la base de notre engagement et de notre vie. Et cela ne peut pas se vivre par procuration. Il y a des choses et des choix qu’on ne peut pas faire à la place d’un autre.
Hier, nous faisions mémoire de St Vincent de Paul qui a fait ce choix et a donné cette orientation à sa vie, ce qui l’a conduit à servir les plus pauvres de son temps. « Notre Seigneur est dans le pauvre » aimait-il redire. La foi – ou la conversion- n’est donc pas repliement frileux sur soi, mais elle nous ouvre chaque jour à l’aventure humaine de la rencontre et du partage, de la joie, plus forte que toutes les peurs de notre monde contemporain. Jésus ne vient pas justifier un ordre du monde ou fonder une sorte de fatalisme. Il nous invite à le suivre dans ce monde pour avoir cet autre regard qui nous pousse à nous engager. « Si nous avions un peu de cet amour demeurerions-nous les bras croisés ? » nous interroge Vincent de Paul.
Dieu met aujourd’hui encore devant chacun et chacune d’entre nous un choix à faire. Comme il est dit dans le livre du Deutéronome : « Je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance ». (Deutéronome 30, 19). Ce choix que nous faisons d’être disciples de Jésus, d’être avec lui, n’est pas un choix de tout repos, Nous aurons parfois et même souvent des retours en arrière et des manquements. C’est inscrit dans le chemin de la sainteté qui n’est pas une grâce qui est donnée sans effort de notre part et sans erreurs même.
Au fond, l’Évangile de ce dimanche est une grande et bonne nouvelle. Dieu nous rend responsables en nous permettant de poser des choix libres, mais en nous rappelant aussi que la solidarité doit toujours rester le fil rouge de notre vie. C’est cela qui restera quand beaucoup d’autres choses disparaîtront. Enfin, l’Évangile vient nous redire qu’il n’y a pas de frontière entre l’ici-bas de notre humanité et l’au-delà que sera la plénitude de l’éternité. L’amour n’a pas de frontière, pas même celle de la mort et cela, c’est une Bonne Nouvelle. C’est pourquoi nous pourrons dire dans quelques instants : je crois et j’y crois !

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