Saint Bernard du Mont Joux

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Homélie prononcée le 16 juin 2020

La Montagne est depuis de longs millénaires un lieu sacré, un lieu propice pour entrer au contact avec la divinité. Au col du Mont-Joux, devenu depuis le col du Grand St Bernard, il y avait encore, au milieu du 11ème siècle, des ruines d’un sanctuaire dédié au dieu romain Jupiter ; le nom de Mont-Joux était une déformation ou une abréviation du nom de Mont-Jupiter. C’est là que, vers 1050, St Bernard a fondé son hospice.

La montagne rend l’être humain plus proche du ciel ; elle est un lieu austère et redoutable, aux nombreux dangers ; pourtant elle est parfois un passage obligé à affronter pour passer d’une région à une autre, d’un pays à l’autre, au risque, dans les siècles passés, d’y laisser la vie, tant il fallait se battre pour survivre en ces lieux hostiles. La montagne est donc un espace où l’être humain perçoit mieux ses limites, sa faiblesse, en même temps que la grandeur de Dieu à travers la beauté de sa création, il en tire des sentiments d’émerveillement, de crainte, de respect, d’humilité. La montagne est un lieu propice à la contemplation ; elle est un lieu de dialogue avec Dieu ; elle est un lieu de nécessaire solidarité avec son prochain, illustrée par les cordées.

C’est sur la montagne du Sinaï que Moïse a reçu de Dieu la Loi, après la sortie d’Egypte du peuple Hébreu. Dans la première lecture, nous avons entendu que Moïse était invité à laisser pour un temps le peuple dont il avait la charge, et à prendre de la hauteur en montant sur la montagne, à l’appel de Dieu. Il en redescendra transformé et porteur de la Loi, de la Parole de vie, pour son peuple. Les dix commandements transmis par Dieu sur la montagne ne sont pas une loi arbitraire qui serait imposée par Dieu contre les aspirations légitimes de l’homme, mais une règle de vie qui correspond à la nature de l’être humain, à sa vocation naturelle d’être de relation, fait pour aimer Dieu et son prochain, fait pour se donner. La Loi balise le chemin pour atteindre les sommets de l’amour authentique, mais ceux-ci ne s’atteignent qu’avec la grâce du Christ. Jésus est venu accomplir la Loi de l’amour et nous permettre de la vivre avec l’aide de l’Esprit Saint, jusqu’à approcher ou atteindre chacun son sommet.

St Bernard de Menthon naît vers 1020 et meurt vers 1081 ou 1086. Il est né dans les montagnes, d’une famille aristocratique, liée peut-être à celle des comtes de Menthon. Il fut chanoine de la cathédrale d’Aoste, et donc homme d’Eglise, diacre mais pas prêtre, avec le titre d’archidiacre. Il ne se contenta pas de prier, ni de prêcher avec succès la Parole de Dieu, mais il mit sa foi en pratique par une charité active. Sa relation au Christ lui a permis de progresser dans la vertu et la sainteté et d’atteindre un sommet. Poussé par la charité, il s’intéressa au col du Mont-Joux, voie de communication entre le Nord et le Sud de l’Europe, passage particulièrement redoutable en hiver. Il y établit un hospice et fonda une communauté de chanoines pour l’accueil et la restauration des voyageurs. Depuis bientôt mille ans son œuvre perdure. En fondant l’hospice du Grand St Bernard puis celui du petit St Bernard, Bernard de Menthon voulait venir en aide aux voyageurs perdus dans la montagne, surtout en hiver ; il voulait réchauffer leur corps et leur âme, avant de les laisser reprendre leur route. Il avait pris au sérieux ce passage d’évangile que nous venons d’entendre nous-mêmes : « à chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait », dit Jésus. Le Fils de Dieu s’est fait proche de tout homme, particulièrement des plus petits, au point de s’assimiler à eux. En faisant du bien à ceux qui sont plus faibles, plus petits, on fait du bien à toute l’humanité, à cette humanité que le Fils de Dieu a assumée et dont Il est pleinement solidaire. Mépriser les plus petits, c’est mépriser Dieu et sa propre humanité, c’est se déshumaniser en déshumanisant l’autre.

St Bernard de Menthon est devenu patron des alpinistes, et patron des troupes de montagne. Ce patronage peut vous aider, vous les soldats, à donner tout son sens à votre mission. Être soldat des troupes de montagne, ce n’est pas seulement aimer la montagne et les exploits physiques, c’est se mettre au service de son pays, s’engager sur un chemin étroit d’élévation morale et spirituelle, s’engager sur le chemin du don désintéressé de soi. Vous êtes appelés à cultiver les notions de dépassement, d’altruisme, vous apprenez à respecter les règles, nécessaires à tout corps social, mais encore plus aux troupes de montagne pour accomplir leur mission avec succès. Vous vous engagez à faire du bien, à protéger, à secourir, à veiller sur vos compatriotes et les citoyens d’autres contrées où vous êtes envoyés. Vous visez les sommets de la générosité, de l’abnégation, de l’obéissance intelligente et de la solidarité. Ces notions que je viens d’évoquer ne sont que différents aspects de l’amour des autres.

La vie ouvre devant chaque être humain des chemins divers. Vouloir s’accomplir, vouloir déployer tout ce qui est bon en soi, demande de renoncer au chemin de la facilité. Il faut passer par des contraintes, par des efforts pour devenir chaque jour un peu plus soi-même. La vocation commune à tout homme est de faire de sa vie un don d’amour à Dieu et aux autres. Cette vocation commune va se réaliser selon ce que chacun porte en soi, mais elle est toujours une vocation à aimer. C’est sur l’amour que nous serons jugés à la fin de notre vie. Comment mettons-nous au service des autres les richesses reçues : richesses de tous ordres et pas forcément matérielles, richesse de santé et de forme physique, de cœur, d’intelligence, d’endurance, de discernement, don pour le commandement ou l’humble service ? Chaque être humain a reçu à sa naissance un don unique à partager aux autres.
Si les troupes de montagne sont particulièrement estimées de nos concitoyens, c’est parce que vous avez choisi un chemin qui vous fait grandir en humanité et tendre vers le haut. Dans notre société nous sommes souvent tirés vers le bas ; vous, vous nous faites rêver d’exploit, de don de soi généreux pour la patrie, pour vos concitoyens. Vous aidez nos contemporains à regarder vers le haut, vers les sommets. Que St Bernard vous aide à être à la hauteur des aspirations les plus profondes de votre cœur !

+ Guy de Kerimel
Evêque de Grenoble-Vienne

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