Spirituel et incarné

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Homélie prononcée le 17 mai 2020

Frères et Sœurs,

Ce passage de l’évangile selon saint Jean que nous venons d’entendre peut nous sembler très mystérieux ou même très abstrait, tellement le Christ nous annonce quelque chose d’étranger au monde dans lequel nous vivons : « Le Père vous donnera l’Esprit de vérité que le monde ne peut pas recevoir parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas. » Et encore : « Le monde ne me verra plus, mais vous vous me verrez. » Ces paroles de Jésus peuvent nous paraître difficiles à comprendre parce qu’elles nous parlent de quelque chose qui n’est pas de ce monde.

Mais en réalité, ces paroles nous parlent de notre vie chrétienne, de notre condition de disciples de Jésus qui fait que nous n’appartenons plus complètement au monde où nous sommes : « Tu les as tirés du monde pour me les donner », dit Jésus à son Père en lui parlant de nous.

Notre foi en la résurrection du Christ, notre baptême et les autres sacrements, notre vie dans l’Esprit-Saint, tout cela, Frères et Sœurs, ce sont des réalités du ciel sur la terre qui ne viennent pas du monde, et qui nous sont données non pas pour nous détourner du monde mais au contraire pour nous faire aimer le monde de l’amour même de Dieu qui est un amour pur, fort, libre, en un mot un amour sauveur, et pour conduire le monde à Dieu par la grâce de la conversion. Car notre but ultime n’est pas sur la terre mais au ciel. Nous ne sommes pas faits pour manger, boire et mourir sous le règne absolu de l’économie marchande et de la biotechnologie, et sous l’horizon d’un transhumanisme qui nous promet l’immortalité physique au prix de notre dénaturation. Nous sommes faits pour la résurrection de la chair, la rédemption de notre corps, la transfiguration de l’univers dans la gloire de Dieu, toutes choses que notre monde ne peut pas concevoir s’il ne s’ouvre pas à la puissance de l’Esprit, l’Esprit-Saint de Dieu, l’Esprit-Saint du Christ.

Le christianisme n’est pas d’abord une religion terrestre et rituelle fondée sur des pratiques, des formules et des cultes, même s’il intègre aussi tout cela. Le christianisme n’est pas d’abord l’obéissance matérielle et servile à une volonté divine révélée. Le christianisme est d’abord la foi en la résurrection de Jésus de Nazareth, il y a 2 000 ans à Jérusalem, foi en sa transformation physique et glorieuse par la puissance de Dieu, foi en notre transfiguration future par lui, avec lui et en lui, foi en sa présence invisible mais réelle en nous ses disciples – « Ce jour-là vous reconnaîtrez que je suis en vous » – foi en sa présence réelle au milieu de nous et entre nous par son Esprit de vérité, son Esprit de charité dans les sacrements et dans la vie de l’Eglise.

Frères et Sœurs, le christianisme n’est pas d’abord matériel et rituel. Il est d’abord spirituel, même s’il intègre nécessairement des rites et des lois pour garder fidèlement la vie spirituelle. Car il n’y a pas de vie spirituelle authentique sans rites et sans lois et sans matériel. Mais il y a un ordre aux choses. Et voilà pourquoi dans l’évangile d’aujourd’hui Jésus insiste d’abord sur la venue de l’Esprit par lequel il se rend présent réellement dans nos cœurs, nos églises et nos vies, et immédiatement après il insiste sur l’observance de ses commandements par lesquels nous nous gardons fidèles et attachés à cette présence, à cet amour, à cette espérance de vie qui va jusqu’à l’éternité.

Dit autrement, le christianisme est en même temps très spirituel et très incarné, très incarné et très spirituel, mais le tout sous la conduite de l’Esprit, sous l’impulsion de la grâce. Car, voyez-vous, Frères et Sœurs, nous ne sommes pas seulement porteurs d’un message.
Nous sommes porteurs d’une présence. Nous ne sommes pas seulement pratiquants d’une loi religieuse. Nous sommes témoins d’un amour personnel, d’un amour trois fois saint qui ressuscite les morts, qui reconstruit le monde, qui fait venir la paix. Nous ne portons pas seulement des convictions, des valeurs et des pratiques. Nous portons en nous quelqu’un. Oui : « ce jour-là vous reconnaîtrez que je suis en vous ». Nous portons en nous une présence transcendante et divine, une présence de paix qui – si nous la gardons fidèlement – touche les cœurs des hommes et des femmes de bonne volonté qui désirent le vrai bien.

Cette présence en nous, c’est l’Esprit-Saint qui nous donne le Christ ressuscité, notre sauveur vainqueur de toute mort. Cette présence en nous, c’est le Christ ressuscité qui nous donne l’Esprit-Saint, notre eau vive et notre feu qui nous protège des peurs et des angoisses de notre temps. Cette présence en nous, entre nous, dans notre communion d’église fraternelle et vivante, c’est le Dieu trois fois saint, Père Fils et Saint-Esprit qui nous donne la force d’affronter les difficultés, de les assumer, de les surmonter, parce qu’il est en nous la puissance-même de la résurrection.

Que nous soyons des chrétiens de longue date ou des nouveaux baptisés, prenons conscience que le plus bel avenir de notre humanité se trouve en nous et entre nous, dans cet amour du Christ, dans cette charité chrétienne qui est déjà le ciel sur la terre. Puissions-nous goûter la joie immense de participer à notre mesure à la vraie vie de notre monde et à la paix que Dieu veut lui donner.

Nous fêtons en ce mois de mai 2020 le centième anniversaire de la canonisation de saint Jeanne d’Arc à Rome par le pape Benoît XV. Qu’à l’exemple de cette sainte patronne de la France, toute habitée par le Christ et la Vierge Marie pour faire régner la justice et la paix sur notre continent, nous répondions nous aussi à la présence de Dieu en nous, et trouvions dans notre vie chrétienne la persévérance et la force qui nous feront traverser toutes nos épreuves et répandre autour de nous le parfum de la résurrection et de la vie éternelle. Amen.

Père Patrick Faure

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