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Homélie prononcée le 13 mai 2021
Frères et Sœurs,
quand l’évangile que nous venons d’entendre nous raconte qu’à l’Ascension le Christ ressuscité monte au ciel, et qu’il va s’asseoir à la droite de Dieu, nous devons comprendre que ce sont là des images qui nous sont données à nous, faibles humains de la terre. Car, lorsque le Christ s’élève, il ne part pas dans une autre planète ou dans une autre galaxie. Lorsque le Christ s’élève, il ne va pas ailleurs dans un autre espace ou un autre univers qui serait celui de Dieu. Non.
Lorsque le Christ sort de ce monde et le quitte en montant au ciel, nous devons comprendre que ce dont il sort c’est de notre monde caduc, temporel, mortel, sujet à la dégradation, à l’usure, à la mort, parce que lui, le Christ ressuscité, il est, en personne, la vie éternelle. C’est ce qu’il dit à Marthe, la sœur de Lazare : « Je suis la Résurrection et la vie ». Jésus ne monte pas au ciel pour nous quitter ou pour aller ailleurs que là où nous sommes. Il ne monte pas au ciel pour nous abandonner, pour nous laisser l’Esprit-Saint comme un palliatif ou un ersatz. Non.
Il se montre élevé au ciel pour nous faire comprendre que lui, qui reste présent avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde comme il le dit dans saint Matthieu, il est le ciel sur la terre, l’éternité dans notre temps. Il monte au ciel pour être dans notre monde cette vie céleste, cette vie éternelle et spirituelle qui va transformer notre monde, et le faire monter vers Dieu. Il ne s’en va pas. Il devient, au contraire, encore plus présent qu’il ne l’était dans notre monde, encore plus présent que lorsqu’il était en Galilée avec les apôtres.
Maintenant qu’il est pleinement céleste, avec les pleins pouvoirs, comme il le dit encore dans saint Matthieu, le Christ est pleinement présent dans le monde, présent partout, de manière suprême dans les sacrements de l’Église à commencer par l’Eucharistie, mais à partir de là, présent aussi par son Esprit-Saint partout dans le monde. Le Christ Jésus qui est présent dans tous les tabernacles de toutes les églises du monde, c’est le Christ ressuscité monté au ciel à l’Ascension. Et cette présence réelle, cette présence universelle et spirituelle du Christ, cette présence elle nous entraîne et elle nous élève. Elle nous emporte au ciel, c’est-à-dire non pas ailleurs que dans notre monde mais dans la transformation profonde de notre monde, dans la transformation spirituelle de tout notre être.
Car le ciel, ce n’est pas la stratosphère. Le ciel, c’est la transformation, la transfiguration de toute chose dans l’amour de Dieu. Et cette évolution, elle s’accomplit par le Christ qui est le principe même de la vie éternelle. C’est pour cela que l’Ascension du Christ, notre tête, est déjà notre Ascension à nous qui sommes ses membres. Et c’est pour cela que l’Ascension de Jésus est la cause d’une grande joie, car au lieu qu’il se sépare de nous, au lieu de partir loin de nous, ailleurs pour nous ouvrir la voie, en réalité il monte, oui. Mais il monte en intensité de présence auprès de nous, et il nous fait monter nous-même dans notre intensité de présence auprès de Dieu, et les uns auprès des autres et auprès de notre monde.
Joie qui nous dit que nous ne sommes pas faits pour la terre mais pour le ciel, c’est-à-dire que nous ne sommes pas faits pour la terre telle que nous la voyons aujourd’hui dans ce qu’elle a de blessé, de douloureux et de passager, qui va vers sa destruction et vers son extinction, mais que nous sommes faits pour la terre transfigurée par la gloire de Dieu.
Nous sommes faits pour une terre dans laquelle le ciel est descendu pour la prendre et la faire grandir et monter, dans la puissance de l’Esprit, vers l’amour infini. C’est pour cela que l’Ascension du Christ est déjà notre Ascension, et cause d’une très grande joie.
Demandons la grâce d’avoir le cœur et le regard assez purs pour voir cela, pour voir que le Christ ressuscité monté au ciel est ici parmi nous, dans les sacrements de l’Église, dans la vie fraternelle, dans la charité, dans tous les lieux du monde où l’Esprit de Dieu transforme le cœur de l’homme pour libérer le monde de l’emprise du mal. Il est présent partout, et il se donne au monde pour que le monde s’élève par lui, avec lui et en lui dans l’amour de Dieu : « je veux que là où je suis, vous soyez vous aussi avec moi », dit Jésus dans saint Jean.
Cela ne veut pas dire que nous allons un jour, par un moyen de transport inconnu, nous déplacer dans l’espace-temps de l’univers pour aller vers un ailleurs. Cela veut dire, Frères et Sœurs, que dans le Christ nous allons nous élever, en nous transformant dans notre esprit, en nous renouvelant dans notre cœur et dans nos relations humaines, les uns avec les autres et aussi avec notre planète et notre monde autour de nous. C’est cela notre foi et la foi de l’Église.
Alors, bien entendu, le monde qui veut se suffire à lui-même, et qui se coupe de Dieu dans ce qu’on appelle le péché, ce monde qui veut s’accomplir par ses seules forces et sa seule puissance considère que notre foi est inacceptable et inadmissible, ou même irritante. Et, de fait, cette élévation que le Christ nous permet de vivre dans l’Esprit, conteste frontalement le matérialisme qui prétend fabriquer une humanité immortelle à grand renfort de manipulations biologiques et technologiques.
Au nom de la Résurrection et de l’Ascension du Christ, au nom de ce qui est déjà notre Résurrection et notre Ascension par l’élévation que donne l’Esprit-Saint, nous pouvons et nous devons contester cette manipulation de l’humanité qui entend produire une immortalité au rabais. Car ce n’est pas avec cette alchimie que nous grandirons dans la civilisation de l’amour et dans la transfiguration de la matière par la puissance de l’Esprit-Saint.
Aujourd’hui notre monde manifeste ses faiblesses alors qu’il se croit tout puissant. Mais même s’il continue à se laisser dominer par l’appétit de conquêtes et de réalisations coupées de Dieu, même s’il va vers sa perte, s’il va vers sa fin, le Christ ressuscité monté au ciel est présent en lui comme le germe de la Résurrection. Il est présent en nous comme le germe de notre éternité, par le don de son Esprit-Saint. C’est pour cela que l’Ascension est si intimement liée à la Pentecôte. Ce Christ ressuscité ancré au cœur de notre monde le plus caduc et le plus fragile, il est déjà la promesse de notre propre transformation et de la transformation du monde. Et l’Ascension, c’est cette promesse.
Lorsque les anges disent aux apôtres au début des Actes « il viendra dans la gloire comme il est parti », c’est-à-dire en s’élevant, cela veut dire que le Christ ressuscité, universellement présent dans le monde, se révèlera dans l’avenir de façon plus manifeste pour élever le monde vers Dieu, comme lui-même déjà s’est élevé sous les yeux des apôtres dans le ciel de Jérusalem.
Rendons grâce, Frères et Sœurs, pour cette immense espérance que Dieu nous donne en son Fils. Et, avec ce Fils, laissons-nous élever jusqu’à notre Père pour que nous contribuions à l’élévation spirituelle de notre monde, et à la joie de grandir dans l’amour de Dieu et dans l’amour fraternel des uns envers les autres. Amen.
Père Patrick Faure
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