Dans la confiance de Tous les Saints

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Homélie prononcée le 1er novembre 2021

Frères et Sœurs,

La fête de la Toussaint, c’est la fête de tous les saints, canonisés ou non canonisés, baptisés ou non baptisés, chrétiens ou non chrétiens. Nous fêtons, ce matin, la Jérusalem céleste, la cité de Dieu où se retrouvent les saints qui ont vécu dans l’orthodoxie ou dans le protestantisme ou dans les autres dénominations chrétiennes, les saints du judaïsme et de l’islam, les saints de l’hindouisme et du bouddhisme, de l’animisme et de toutes les traditions religieuses et spirituelles dans lesquelles - pour citer le concile de Vatican II – « sans qu’il y ait faute de leur part » ces saints et ces saintes « ont cherché Dieu d’un cœur sincère et se sont efforcés, sous l’influence de sa grâce, d’agir de manière à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur a montrée et dictée. »

Nous fêtons des hommes et des femmes qui ont vécu les Béatitudes que nous venons d’entendre en étant des artisans de paix, des assoiffés de justice, des pauvres de cœur, des miséricordieux, des cœurs purs. Et, Frères et Sœurs, dans ces Béatitudes il n’y a pas qu’un comportement moral. Être pauvre et humble de cœur n’est pas une question de morale. C’est une question d’esprit, une question spirituelle, une question de spiritualité. Tout comme le fait d’être miséricordieux qui dépasse de loin et de haut le simple exercice de la justice qui consiste à rendre à chacun son dû.

La sainteté n’est pas la morale, même si la sainteté pousse à la conversion des mœurs, au redressement et à l’amélioration morale de l’existence. Mais la sainteté n’est pas d’abord le rapport au bien et au mal, au devoir et à la conduite à tenir. La sainteté, avant tout, c’est la relation personnelle avec Dieu, c’est-à-dire la relation personnelle avec celui que les philosophes appellent « la cause première » du monde et de l’humanité, celui que les astronomes d’aujourd’hui appelleront « l’intention » qui préside à la formation de l’univers, celui que les religions appellent « Dieu », de manière bien générique et indifférenciée, mais celui que la révélation judéo-chrétienne appelle par son nom propre et spécifique parce qu’elle le connaît : « Adonaï », le tétragramme hébreu, traduit en grec et en latin par « Seigneur », et incarné en Jésus de Nazareth.

Être saint, c’est grandir dans une relation personnelle avec Dieu quelle que soit la culture humaine dans laquelle on évolue, et quel que soit le degré de clarté de cette relation permise par cette culture. Être saint, c’est appartenir déjà au mystère de l’Église, c’est-à-dire au mystère de Dieu qui appelle tous les hommes à la sainteté, quand bien même on est loin de la vie publique et institutionnelle de l’Église. Car l’Église est toujours plus large que ce que nous en pensons, surtout quand nous la voyons sous le feu des projecteurs à cause de ses enfants terribles et scandaleux qui font souffrir des êtres fragiles, et qui, en blessant ces êtres fragiles, blessent le Christ lui-même dans son corps qui est justement l’Église.

Et ce corps du Christ douloureux et mystérieux dont les frontières nous échappent, il célèbre aujourd’hui généreusement celles et ceux qui, même non baptisés ou non chrétiens, ont approché le cœur de Dieu et le cœur de l’homme autant que le leur permettaient leur appartenance religieuse et leur histoire personnelle.

Tous ces saints et ces saintes, l’Église les célèbre dans la joie parce qu’elle a reçu la pleine révélation du cœur de Dieu et du cœur de l’homme en recevant le Christ et l’Esprit-Saint, en recevant cette lumière bienheureuse qui éclaire l’humanité entière, et qui fait ressortir ce que cette humanité a de meilleur, c’est-à-dire ce qui lui fait toucher à la vraie vie, au véritable amour, et à la vraie liberté.

La mission de l’Église, la mission chrétienne, c’est d’annoncer au monde que la soif de vie, d’amour et de liberté qui est en tout homme n’est pas une aspiration vague et idéaliste présente chez les uns et absente chez les autres comme si c’était normal, mais que cette soif de vie, d’amour et de liberté est, en réalité, un appel à la sainteté qui fait que l’homme est un homme et pas un animal. Et cette conscience de ce qu’est l’homme, elle est gardée vive grâce à notre baptême, parce que, par notre baptême, nous avons en nous la présence-même de la Trinité, la résurrection du Christ, l’eau vive de l’Esprit-Saint. Et si nous sommes fidèles à notre baptême, si nous ne l’abandonnons pas, nous marchons alors à la lumière de l’espérance chrétienne qui nous rend purs comme le Christ est pur, nous a dit la 2e lecture.

Il est heureux, Frères et Sœurs, qu’en ce matin de la Toussaint nous entendions l’Écriture nous redire que ce qui peut rendre nos vies plus pures, plus claires, plus transparentes, ce n’est pas seulement ni d’abord l’obéissance à la loi, le principe d’ordre, la peur du gendarme ou de la punition, mais que ce qui peut purifier nos existences, les libérer de leurs obscurités, c’est de regarder où nous allons, quel avenir nous nous préparons, et c’est de comprendre que nous ne sommes pas faits pour jouir de ce monde et disparaître ensuite, mais pour nous préparer à vivre dans une société humaine où la mort physique n’existe plus, et où il n’y a plus ni mal, ni injustice, ni persécution. Douce utopie, opium du peuple pour endormir et abuser les consciences, dira monsieur Karl Marx ? Non, répondra l’Église du Christ : cet avenir magnifique est fondé sur le témoignage historique de celles et ceux qui ont bu et mangé avec le ressuscité au lendemain de Pâques, et qui ont évangélisé la planète au-delà de leurs capacités, en étant portés par le souffle de son Esprit-Saint.

Rendons grâce à Dieu pour les saints et les saintes qui vivent l’Évangile jusqu’au bout et qui nous ouvrent la voie brillante de notre avenir éternel. Rendons grâce pour ces géants de sainteté qui sont des géants d’humanité, pour les Vincent de Paul, les Damien de Veuster et les Mères Teresa, les François d’Assise, les Camille de Lellis, les Elisabeth de Hongrie et tant d’autres qui ont œuvré à la transformation concrète de leur époque, sans compter les docteurs, les penseurs et les gouvernants, et tous les humbles et les inconnus qui ne sont pas donnés en exemple mais qui sont exemplaires par leur amour de Dieu et de leur prochain parce qu’ils étaient portés par l’espérance de l’éternité.

Frères et Sœurs, vous le savez. Parmi toutes les religions du monde, c’est dans la foi chrétienne que Dieu est le plus proche de l’homme, puisque c’est dans la foi chrétienne que Dieu se fait homme, et qu’il partage notre vie, en venant habiter dans nos cœurs, et en se donnant à nous dans les sacrements. Il crée ainsi, par sa présence dans l’humanité, un foyer de sainteté qui fait que l’Église peut célébrer sans crainte et sans jalousie tous ceux qui sans être habités par Dieu grâce au baptême ont, néanmoins, reçu la grâce divine, et cheminé dans l’amour de Dieu et de leurs frères.

Quand on a la chance d’être chrétien on sait que la vie a vaincu la mort et que l’amour a vaincu l’enfer. On ne se contente pas de le deviner, de l’espérer vaguement ou de le souhaiter généreusement face aux épreuves en tout genre.

On le sait d’une foi certaine qui est la science des saints, la science de tous ces hommes et de toutes ces femmes qui sont passés par la grande épreuve, comme l’a dit l’Apocalypse dans la première lecture, et qui nous précèdent et nous ouvrent la voie. La fête de tous les saints doit donc nous donner confiance en l’avenir, en notre avenir éternel, bien sûr, au-delà de notre horizon terrestre, car nous sommes faits pour le ciel. Mais cette destination finale a aussi pour conséquence que dès ici-bas nous ne pouvons pas nous résoudre à la culture de mort, aux messages de haine et aux dictatures plus ou moins larvées.

Demandons alors au Père et au Fils leur Esprit de sagesse et de discernement, pour que nous inventions aujourd’hui les voies nouvelles de la sainteté qui nous feront relever tous les défis qui nous attendent, et qui nous donneront la joie de garder au milieu du monde la lumière d’une invincible espérance. Amen.

Père Patrick Faure

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