Enfants de Dieu promis à la Résurrection

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Homélie prononcée le 19 septembre 2021

Frères et Sœurs,

nous continuons notre lecture de l’évangile selon saint Marc. Et ce qui s’est passé dimanche dernier avec l’apôtre Pierre se passe à nouveau ce matin avec les autres apôtres. Saint Pierre, vous vous en souvenez, s’est cabré devant la première annonce de la Passion, et Jésus a dû, en quelque sorte, lui faire la leçon, et rectifier l’idée qu’il se faisait du Messie. Eh bien, ce matin, avec cette seconde annonce de la Passion que nous venons d’entendre, c’est au tour des autres apôtres de manifester leur incompréhension, et de ne pas vouloir entendre ce que Jésus leur prédit, tout en ayant peur qu’il s’irrite contre eux, comme il est irrité contre Pierre.

Il faut dire que leur stupeur est d’autant plus grande que Jésus se trouve, pour ainsi dire, au sommet de sa popularité à cause de ses nombreux miracles de guérison, à cause des deux multiplications des pains, et à cause du grand exorcisme qu’il vient d’accomplir sur un enfant épileptique. Tout cela sans compter son enseignement qui frappe, en étant donné avec autorité, non pas comme celui des scribes. Vous voyez, Frères et Sœurs, les apôtres qui suivent le Christ en Galilée vivent une aventure humaine qui est merveilleuse, qui les remplit d’espérance et de promesses, et qui leur fait pressentir un avenir extraordinaire.

Mais ils sont bien loin d’imaginer le prix que va coûter cette aventure, et pour le Christ et pour eux-mêmes. Et ils n’ont pas la moindre notion de la résurrection. Leurs projets les plus fous n’arrivent pas à la cheville de la réalité nouvelle qui va surgir au matin de Pâques, cette réalité nouvelle, ce monde inconnu qu’ils devront annoncer eux aussi, ce monde que « l’œil n’a pas vu – dira saint Paul – que l’oreille n’a pas entendu, qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, et que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1Co 2,9).

Or, Frères et Sœurs, c’est vers ce monde-là que nous allons tous. Et nous y allons comme le Christ, par notre passion et nos souffrances, par notre mort à ce monde-ci et par notre résurrection qui sera la transfiguration ultime de notre vie terrestre. Et la logique de fond qui sous-tend notre destinée, ce n’est pas la logique du pouvoir où nous maîtriserions nous-mêmes notre propre devenir, où nous tiendrions en main et manipulerions nous-mêmes notre biologie physique et notre vie mentale et intellectuelle. Non. Cette logique de fond, ce mouvement d’évolution qui avance inexorablement vers la résurrection des morts, c’est la logique de l’enfance, la logique de l’amour qui nous porte et auquel il nous faut consentir et adhérer humblement, si nous voulons aller jusqu’au bout de l’aventure humaine pour laquelle nous sommes faits.

Notre avenir terminal n’est pas sur cette petite planète terre où nous sommes ce matin, ni sur une autre planète où il nous faudrait un jour émigrer, ni dans un autre coin de notre galaxie ni dans une autre galaxie, ni dans d’autres univers plus ou moins parallèles au nôtre. Non, Frères et Sœurs. Et quitte à vous surprendre, ce que l’Évangile nous révèle, nous ouvre, nous montre et nous donne, c’est la gloire de Dieu, la gloire du Créateur de tous les univers, visibles et invisibles. C’est le ciel de tous les cieux, et de tous les systèmes cosmiques et sidéraux. C’est l’éternité, mais l’éternité qui a une lumière et une couleur, celles de l’amour infini. Et, de cette éternité infiniment aimante, qui est venue parmi nous prendre notre chair, vivre notre vie, nous sommes les enfants, les fils, les filles, les frères, par notre baptême et notre vie spirituelle.

Enfants, c’est-à-dire ? Non pas des bébés infantiles qui ne savent pas encore parler ni distinguer leur droite de leur gauche, enfants, enfants de Dieu, au sens où nous sommes des embryons de Dieu encore en gestation dans le sein de notre monde, enfants de Dieu au sens où nous sommes déjà renés par notre baptême à cette éternité qui nous appelle, mais surtout enfants de Dieu, au sens où nous maintenons nos énergies et nos développements, nos travaux, nos constructions, nos réussites et même nos échecs dans la conscience grandissante que si « tout est à nous – comme le dit saint Paul – nous, nous sommes au Christ, et le Christ est à Dieu » (1Co 3,23), Dieu notre Père qui est au ciel, Dieu des vivants et des morts qui règne en tout et partout (Ep 4,6).

Enfants de Dieu, c’est-à-dire hommes et femmes qui, volontairement et saintement, ne se laissent pas griser par le rêve de toute puissance de leur technologie, mais qui mettent leur maturité comme leur humilité à comprendre que nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes, et qu’avant de nous saisir et de décider de tout, nous avons tout reçu de notre environnement, la vie, l’amour et les liens humains sans lesquels nous ne sommes rien. « Si vous ne devenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu » (Mt 18,3), nous dit le Christ.

Et lorsqu’il prend un enfant, qu’il le place comme un exemple au milieu des douze apôtres, en leur disant qu’accueillir un enfant en son nom c’est l’accueillir lui, le Christ, tel qu’il est, c’est-à-dire le Fils du Père, et c’est accueillir le Père lui-même, lorsqu’il fait ainsi, Jésus ne fait que revenir au principe de réalité, ramener les hommes et leurs phantasmes à leur juste mesure qui est de ne pas se prendre pour des dieux, de ne pas se croire immortels, et de cesser de convoiter le pouvoir en se demandant qui sera le plus grand.

Jésus vient d’annoncer sa mort et sa résurrection. Et, au lieu de lui demander ce que veut dire cette résurrection, les apôtres ne s’intéressent qu’à sa mort, et ils se demandent entre eux qui va être le plus grand, c’est-à-dire lequel d’entre eux va prendre sa succession pour diriger le groupe des Douze, comme on dirige une entreprise de pêche au bord du lac de Galilée.

Sous prétexte d’avoir les pieds sur terre, et de penser au quotidien qui les attend lorsque Jésus sera parti, les apôtres sont, en fait, les otages de leurs intérêts à court terme et de leurs convoitises. Ils sont ni plus ni moins que dans cette logique de pouvoir qui conduit à persécuter le juste, dans la première lecture que nous avons entendue, et qui conduit même jusqu’à la violence, dans la deuxième lecture tirée de saint Jacques.

Non que les apôtres du Christ aient cédé à cette violence. Mais ils ont en eux la racine de ce mal, comme nous l’avons en nous. Et nous savons que saint Jacques dit vrai. « Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez. Vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors (…) vous faites la guerre. Vous (…) demandez mais vous n’obtenez rien parce que vos demandes sont mauvaises, puisque c’est pour tout dépenser en plaisirs. »

Frères et Sœurs, ce que saint Jacques dépeint dans ce sombre tableau, c’est ce que saint Augustin appelle, au Ve siècle, et toute la tradition de l’Église après lui, « le péché originel », c’est-à-dire ce refus de rester dans la dépendance et dans l’obéissance de Dieu, ce rejet de l’autre et cette volonté de le supprimer dès qu’il gêne le désir d’expansion et l’instinct de domination qui nous traversent, aussi bien comme personnes individuelles que comme peuples ou comme sociétés.

Ce péché originel, il est en nous en permanence. Et il peut faire des ravages si lui donnons libre cours. Mais, si nous sommes baptisés, nous avons en nous la mort du Christ en croix, et sa résurrection au matin de Pâques. Et nous avons en nous sa victoire sur le péché originel qu’il n’efface pas d’un coup de baguette magique, ni comme un détergent efface une tache noire sur un évier blanc, mais qu’il efface au sens où il nous aide à le vaincre, à le dominer, à le neutraliser jour après jour dans notre combat spirituel, en nous donnant son Esprit-Saint de justice et de paix, d’amour, de joie et de vérité, pour sauver nos cœurs et nos communautés de la guerre et de la division. Voilà ce que fait le Fils de Dieu pour les enfants de Dieu. Il est notre sauveur. Il est notre Seigneur.

Alors soyons vraiment et en toute confiance des fils et des filles de notre Père qui se laissent visiter par sa grâce pour mieux se connaître eux-mêmes et elles-mêmes, et pour mieux bâtir au milieu du monde les communautés qui témoigneront de sa présence et de ses miracles, de son amour fraternel et de sa paix. Amen.

Père Patrick Faure

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