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Homélie prononcée le 22 octobre 2023
Est-il permis de payer l’impôt à César ? César le nom générique de l’empereur romain qui occupe la Palestine ? La question posée à Jésus est très liée aux mouvements de résistance contre les Romains qui se manifestaient à cette époque. Si Jésus répond oui, il se dissocie de ces mouvements et prend le parti des Romains qui occupent la Palestine. S’il répond non, il est classé comme membre ou associé des mouvements qui luttent contre les Romains qu’on appelle les Zélotes. Mais avant de poser la question, les pharisiens et les partisans d’Hérode qui ont fait alliance pour coincer Jésus respecte les usages : ils flattent Jésus en soulignant ce que ses contemporains voyaient en lui : un homme vrai qui ne se laisse influencer par personne et qui ne considère pas les gens selon l’apparence. Un beau compliment ! Mais, c’est connu, un compliment trop appuyé cache souvent un piège que Jésus va déjouer : En présence de l’effigie de l’empereur sur la pièce de monnaie, il leur dit tout simplement : « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. C’est clair et net…
Cette petite phrase devenue comme un proverbe est souvent utilisée par ceux et celles qui veulent couper la vie en tranches, séparer la politique de tout agir éthique et enfermer l’Église derrière les murs des églises et les curés dans les sacristies… Les plus anciens s’en souviennent probablement : Il y a une bonne cinquantaine d’années, un amiral avait dit en parlant des évêques qui avaient réagi à une décision politique : « qu’ils s’occupent de leurs oignons » !
Bien sûr, il faut rendre à César ce qui lui appartient, car l’homme vit nécessairement en société sur cette terre. Et tous les défis que nous affrontons, écologiques, géopolitiques, les affrontements entre pays, l’émigration de plus en plus de personnes contraintes à fuir leur pays à cause des conflits de différents ordres, tout cela ne simplifie pas les choses. Le chrétien n’est pas un esprit supérieur qui pourrait mépriser la complexité et l’ambiguité des structures socio-politiques. Nous sommes ensemble sur cette planète et le rôle de César est important. César doit exercer sa fonction pour nous permettre de vivre ensemble, loin de la haine dans laquelle nous pouvons facilement tomber, loin de la justice que chacun voudrait se rendre. Ceci implique des devoirs et des engagements de la part de chacun. L’impôt en est un signe parmi d’autres.
Ceci dit, sans être des férus de l’histoire du XXème siècle, nous savons où mène toute politique qui se moque de la deuxième partie de l’affirmation de Jésus ; rendez à Dieu ce qui est à Dieu. Quel que soit le positionnement politique, on a souvent tenté d’octroyer à la fonction politique une totale indépendance…et c’est bien le cas en ce début de XXIème siècle où la voix de l’Eglise est rendue inaudible. Systématiquement on veut soustraire la fonction politique à toute éthique qui voudrait la soumettre à une critique, l’inviter à une révision de point de vue, surtout si cela émane de représentants religieux, comme les évêques. De Machiavel en passant par les dictateurs du XXème siècle, les broyeurs d’humanité, Hiller, Staline, Mao, Pol Pot, et d’autres ont érigé en idoles leurs idéologies et leurs projets.
Quand César se fait dieu après avoir éliminé Dieu, l’homme n’est bon qu’à passer sous le rouleau compresseur de l’arbitraire, de l’injustice, du racisme, de la haine, de la violence faite aux plus démunis, aux sans défense.
Dieu est Dieu. Le reconnaître, c’est tout réorienter vers Lui ce qui vient de Lui, c’est tout mettre sous sa Parole, c’est tout transfigurer par les exigences de la charité. Y compris l’activité politique, la gestion du bien commun. Bien sûr les réponses concrètes ne vont pas tomber toutes cuites des grands principes évangéliques… Mais est-il possible de servir l’être humain si l’on est en désaccord avec le dessein de Dieu sur lui ? Il faut chercher ensemble, réfléchir, critiquer, améliorer les choses à la lumière de l’Evangile. Et les chrétiens ne peuvent pas ne pas accepter de s’impliquer, de se salir les mains dans le concret des situations.
L’Evangile n’est pas réservé à la sphère privée de notre existence. 6 jours sans Dieu et 1 jour pour Dieu. C’est bien ce qu’affirme notre pape François dans Fratelli Tutti : « Si l’Eglise respecte l’autonomie de la politique, elle ne limite pas pour autant sa mission au domaine du privé. Au contraire, elle ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la construction d’un monde meilleur ». Il continue en affirmant : l’Eglise n’entends pas revendiquer des pouvoirs temporels. Charge à chaque fidèle de « ne pas renoncer à la dimension politique de l’existence ». Déjà les habitants de Thessalonique l’avaient compris…Paul reconnait que « leur foi est active, que leur charité se donne de la peine, que leur espérance tient bon…Ils avaient entendu la parole d’Isaïe : « Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre ».
Rendre à Dieu ce qui lui est dû, c’est d’abord s’imprégner de son amour, c’est l’accueillir dans notre vie. Cette espérance qu’il met en nous, nous avons à la manifester au monde entier. Nous ne devons pas être de simples consommateurs de la foi. Chrétiens, nous sommes tous appelés à être des acteurs et des constructeurs de la communauté humaine ; c’est dans ce monde tel qu’il est que nous avons à témoigner de la bonne nouvelle de l’Évangile. Beaucoup le font malgré les difficultés et aussi au péril de leur vie.
Ce dimanche est celui de la journée missionnaire mondiale dont le thème est : Des cœurs brûlants, des pieds en marche. Nous sommes mis devant nos responsabilités : le Christ nous veut en état de mission pour témoigner de lui dans nos vies concrètes.
En célébrant cette Eucharistie, nous voulons, Seigneur, te donner ce qui te revient : notre adoration. Donne-nous la grâce d’une plus grande foi en ton Eucharistie, que nous puissions sentir ton amour immense et que nos cœurs devenus brûlants nous mettent en marche pour proclamer ta « Bonne nouvelle » et la mettre en œuvre dans nos vies.
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