La vie pour tous

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Homélie prononcée le 27 juin 2021

Frères et Sœurs,

Aussi stupéfiant que cela puisse paraître à nos oreilles et à nos intelligences : « Dieu n’a pas fait la mort », nous a dit la première lecture, tirée de la Sagesse de Salomon. « Dieu n’a pas fait la mort… il a créé tous les êtres pour qu’ils subsistent ». Autant dire que l’anéantissement que nous constatons lorsqu’un vivant meurt, et que son corps se décompose, n’est qu’un anéantissement apparent. Car ce constat d’anéantissement, nous dit le même livre de la Sagesse un peu plus loin, est un constat qui est à courte vue parce qu’il est le fruit d’une vision matérialiste des choses où l’on s’imagine, par exemple, que la pensée n’est que le produit du cerveau et des battements de notre cœur (Sg 2,2), et que notre âme, notre vie psychologique et spirituelle n’est que la sécrétion de notre biologie.

Non, dit la Sagesse de Dieu inspirée à Salomon. L’esprit, la pensée, l’âme et même la simple vie ont, en réalité, en Dieu une subsistance que la mort n’arrête pas. Plus les années passent, Frères et Sœurs, et vous le savez, plus l’importance et le primat du spirituel sur le matériel tendent à s’affirmer, même si le spirituel en question se manifeste à travers de multiples spiritualités qui mélangent des convictions et des pratiques empruntées aux grands courants religieux, tout en restant à distance des institutions officielles.

Bien entendu, certaines façons de mélanger un peu de christianisme, de traditions orientales et de coutumes locales tombent tout à fait sous le coup de ce que la Bible qualifie d’impur. Mais, malgré tout, il faut bien reconnaître que, dans ces spiritualités qui se cherchent, il y a comme un réflexe de sagesse et de santé. Toutes ces spiritualités qui essayent de donner du sens à l’existence, de la profondeur et de la liberté, sont comme une réponse au sentiment grandissant que notre monde évolue de plus en plus vite vers une domination de la technologie qui devient toute puissante et complètement aliénante.

Eh bien, c’est à ce moment-là que les grandes religions instituées ne doivent pas baisser la garde, mais bien plutôt redoubler d’efforts pour exposer, expliquer à nouveaux frais ce qu’elles ont de meilleur, afin que nos contemporains qui cherchent la lumière puissent en trouver des étincelles dans les sagesses éprouvées par les siècles. Et à cet égard, la lumière du Christ ressuscité reste un phare dont la douce puissance est tellement infinie qu’il éclairera pour l’éternité les consciences et les cœurs qui l’auront cherché dans l’ombre, et qui, un jour, auront eu la grâce de se laisser toucher par son amour.

Or, c’est justement cette recherche et ce toucher qui nous sont racontés dans l’évangile que nous venons d’entendre. Et cet évangile un peu long et un peu complexe est peut-être, au fond, assez simple. De quoi s’agit-il ? Au centre de cet évangile il y a une femme adulte qui perd son sang depuis 12 ans. Elle s’est ruinée en médecins et en recettes qui ne l’ont pas guérie, ou même qui ont aggravé son cas. Et comme a priori cette femme est juive, elle est déclarée impure par la Loi d’Israël puisqu’elle perd son sang. Elle est exclue d’une bonne partie de la vie communautaire, y compris de la prière.

À partir de là, elle est peut-être aussi regardée comme impure parce qu’elle touche à des croyances et à des pratiques plus ou moins suspectes ou frelatées, alors qu’au fond d’elle-même elle a tous ses espoirs en Dieu qui reste son ultime recours.

Elle subit, et, d’une certaine manière, elle entretient aussi une exclusion sociale qui la met à distance de la synagogue et du judaïsme officiel. C’est pour cela qu’elle reste anonyme, et qu’elle se cache dans la foule, elle qui ne s’intègre pas dans la société de son temps. Et, avec sa foi mêlée de crainte et de superstition, elle approche de Jésus par derrière. Elle touche son vêtement, et elle est aussitôt guérie par la force de l’Esprit-Saint qui sort de lui. L’audace qu’elle a eue de transgresser la loi, en touchant Jésus alors qu’elle est impure, a finalement gagné. Non seulement elle a senti dans son corps que ses hémorragies se sont arrêtées, mais elle a surtout rencontré Jésus et parlé avec lui en vérité dans un dialogue personnel. Et c’est cette relation avec lui qui la sauve pour tout le reste de sa vie.

Cette femme en Israël est la figure de toutes celles et tous ceux qui, aujourd’hui, pour de multiples raisons, se tiennent à distance de la religion instituée, mais qui cherchent à travers ombres et lumières, à travers spiritualité ou religiosité, la vraie puissance qui les guérira, et dont ils devinent qu’elle est attachée aux traditions de leurs pères et à l’histoire de leur peuple. Ces chercheurs de bienfaits sont souvent à l’écart des relations publiques, et les grâces qu’ils reçoivent restent la plupart du temps clandestines. Ils ressemblent à cette femme de l’évangile qui, comme à la dérobée va, en quelque sorte, voler à Jésus un peu de puissance de l’Esprit-Saint qu’il allait apporter à la fille de Jaïre, le chef de la synagogue, Jaïre dont le nom hébreu signifie « celui qui réveille » ou « celui qui éclaire ». Jaïre, lui, contrairement à cette femme, a fait appel à Jésus ouvertement, publiquement et face à face. Et que va-t-il se passer ?

Jésus va réveiller la fille de Jaïre du sommeil de la mort. Et, en chemin, il va éclairer cette femme qui cherche, et, à travers elle, il va éclairer celles et ceux qui lui ressemble. Jésus, le Messie d’Israël, va répondre d’abord aux sollicitations du chef de la synagogue. Et la synagogue va devenir la colonne vertébrale d’Israël. Mais, chemin faisant, il va guérir cette femme anonyme, en lui communiquant secrètement et mystérieusement la même puissance de vie qui va relever la fille du chef de communauté. Car le Christ est venu pour sauver tout Israël, c’est-à-dire les 12 tribus du peuple élu. Tout Israël aussi bien dans ses institutions centrales figurées par Jaïre et par la synagogue que dans ses périphéries sociales représentées par cette femme anonyme, si blessée par la vie. C’est pour cela qu’il y a ce chiffre 12 qui veut dire tout Israël entre cette femme marginalisée qui souffre depuis 12 ans et cette jeune fille de bonne famille qui n’a que 12 ans. Car le Christ, le Messie, vient refaire l’unité de tous ceux qu’il sauve. Il vient les rassembler tous dans cet Israël nouveau fondé sur les 12 apôtres qui vont s’ouvrir ensuite aux Nations païennes dont nous sommes, Nations païennes devenues chrétiennes et qui auront, elles aussi, dans leurs communautés croyantes, des institutions centrales et des périphéries sociales. C’est ainsi que l’église de Rome, fondée sur Pierre, aura ses fidèles bien insérés dans la société, avec ses cadres et ses structures à l’égal des grands de ce monde. Mais elle aura aussi, parmi ses enfants plus pauvres, toutes celles et tous ceux qui, en cherchant la vraie vie, voudront toucher le Christ à travers elle, d’une manière ou d’une autre.

Car l’Esprit-Saint du Christ est pour tous. L’Esprit de vie, de relèvement et de guérison est pour tous, aussi bien pour relever les institutions défaillantes, que pour guérir et pour réintégrer les chercheurs hésitants. Pour tous. Car « Dieu n’a pas fait la mort », nous a dit la Sagesse. Et sa justice est immortelle, non pour condamner mais pour sauver par amour.

Voilà, Frères et Sœurs, cet évangile assez long et assez complexe, avec le miracle de la femme guérie raconté à l’intérieur du miracle de la jeune fille ramenée à la vie.

Mais ce miracle dans le miracle, cet évangile dans l’évangile, ce ne sont que les deux faces du même miracle et du même évangile assez simple, celui du Christ ressuscité qui nous rassemble tous, les plus reconnus socialement et les plus marginaux, en un seul Corps, dans son Église qu’il relève et qu’il guérit en permanence, pour faire de nous un peuple de croyants, un organisme vivant qui apporte à notre monde, dans l’amour et dans la paix, la lumière de sa vie éternelle. Amen.

Père Patrick Faure

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