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Homélie prononcée le 10 janvier 2021
Frères et Sœurs,
Le baptême du Christ que nous fêtons ce matin, c’est l’immersion complète du Christ dans les eaux du Jourdain. Or, comme vous le savez, le Jourdain est une petite rivière qui devient tortueuse et boueuse au fur et à mesure qu’il approche de Jéricho et de la Mer morte où il va se jeter, à l’endroit le plus bas du monde, à 400m en-dessous du niveau de la mer. Jésus qui se laisse plonger par Jean-Baptiste dans ce Jourdain dont le nom-même signifie « celui qui descend », c’est Jésus qui s’immerge dans les eaux boueuses de notre humanité. C’est Dieu qui descend en nous dans les méandres de nos cœurs tortueux, dans nos vies compliquées. C’est l’incarnation qui continue, après avoir commencé à l’Annonciation et à Noël.
Jean-Baptiste plonge dans le Jourdain les israélites qui confessent leurs péchés, c’est-à-dire qui reconnaissent leurs fautes. Et leurs fautes sont pardonnées. Jésus, lui, n’a rien à se faire pardonner. Mais il se fait pourtant baptiser parce qu’il vient, par amour, épouser notre condition humaine telle qu’elle est, c’est-à-dire une condition humaine enlaidie et obscurcie par la rupture avec Dieu, par l’indifférence à l’égard de Dieu – tout ce que la Bible appelle communément « le péché » - qui n’est pas d’abord la rupture morale vis-à-vis de tel ou tel comportement, mais qui est avant tout la rupture spirituelle avec Dieu : pas de prière, pas d’action de grâce, pas de foi, pas d’élévation vers le ciel. Tout le contraire de la grâce et de la beauté de l’Esprit.
Et Jésus descend dans les eaux du Jourdain et reçoit le baptême de Jean pour que ce baptême de Jean ne donne plus seulement le pardon des péchés, mais pour qu’il donne aussi, et même d’abord, ce que Jésus y apporte, c’est-à-dire le passage de la mort à la résurrection, la traversée de la souffrance et de la défiguration vers la gloire et la vie éternelle. Et le baptême chrétien, c’est le baptême de Jean-Baptiste habité par la présence du Christ qui vient revivre en nous son mystère pascal pour nous apprendre à vivre avec lui, à mourir avec lui, et à renaître par lui, avec lui et en lui. Voilà ce que fait l’amour de Dieu pour nous.
Dans l’évangile selon saint Marc tel que nous l’entendons ce matin, seul Jésus voit les cieux se déchirer. Il voit l’Esprit-Saint descendre sur lui comme une colombe.
Tout se passe comme si les autres personnes présentes ne voyaient rien, alors qu’elles entendent vraisemblablement la voix du Père qui parle de son Fils bien-aimé.
Dans le baptême du Christ, il y a comme un secret du ciel que le Christ est seul à connaître et qui consiste à voir l’Esprit-Saint descendre comme une colombe, la colombe étant – dans la tradition juive - le symbole de la communauté. Jésus voit donc descendre sur lui l’Esprit-Saint qui est son amour avec le Père, et qui va être l’amour fraternel entre les croyants pour les unir dans la communauté chrétienne, dans le Corps du Christ, dans l’Église.
Eh bien, de même, dans le baptême chrétien, il y a comme un secret du ciel que les chrétiens sont seuls à connaître – du moins lorsque leur cœur est semblable au cœur du Christ. Et ce secret, il consiste à voir l’Esprit-Saint à l’œuvre dans le monde et dans le cœur des autres hommes, l’Esprit-Saint qui tisse des liens de communion entre les croyants et autour d’eux pour que la fraternité grandisse et se renforce, dans un monde qui en a de plus en plus besoin.
Il s’agit bien d’un secret du ciel, car même si on le dit publiquement et si on en témoigne, cette action de l’Esprit-Saint n’est reconnue que par les croyants qui savent que les relations humaines et le monde en général, ne sont pas seulement sous l’emprise des forces visibles et invisibles de l’humanité, de la terre et de l’univers, mais que ces relations humaines et notre monde sont aussi sous la motion de l’Esprit-Saint de Dieu, du Christ qui ne s’impose pas par la force, mais qui souffle dans les esprits pour y faire passer un courant de vérité, de vie et d’amour. Demandons au Seigneur Jésus, ce matin, que l’Esprit de notre baptême nous apprenne à voir les merveilles de Dieu dans nos vies et autour de nous.
En ces temps de pandémie qui éprouvent nos psychologies, et qui plongent nombre de nos contemporains dans un isolement plus ou moins forcé, demandons à l’Esprit-Saint de notre baptême la grâce de tisser toujours et toujours des liens de fraternité autour de nous, dans l’écoute et le respect, dans le soutien que nous pouvons apporter, mais aussi, fondamentalement, dans la liberté spirituelle de la foi qui se dit calmement et sereinement croyante quand l’occasion se présente.
Car, vous l’avez entendu, Frères et Sœurs, c’est au moment où Jésus a été plongé dans l’eau du Jourdain et en est remonté que le ciel s’est ouvert et que la révélation de Dieu s’est fait entendre. Autrement dit, lorsque Dieu s’immerge dans l’humanité, ce n’est pas pour s’y noyer, ou pour y disparaître entièrement, sans laisser de trace, et en passant inaperçu. Non. L’évangile du baptême de Jésus montre qu’au moment où Dieu s’immerge dans notre humanité, il se manifeste secrètement à celui qui voit descendre l’Esprit-Saint, mais il se manifeste aussi ouvertement et publiquement par la parole qui se fait entendre de tous. Dit autrement, vivre en chrétiens dans le monde, c’est être plongés dans l’humanité comme le fait Dieu lui-même dans le Christ. Et l’humanisme chrétien reprend à son compte l’humanisme païen du célèbre poète de Carthage, Térence, qui écrivait au début du IIe siècle avant notre ère : « je suis un homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger » (Heauton. v.77), sauf que l’humanisme chrétien fait entendre la révélation de Dieu, de l’amour infini incarné dans le Christ, c’est-à-dire la révélation de l’amour capable de faire remonter des eaux de la mort, et de faire renaître en ce monde, en y espérant et en y goûtant déjà la splendeur de l’éternité bienheureuse.
Notre vie chrétienne n’est pas seulement un commerce de proximité en bonne entente avec nos voisins. Elle est lourde et riche d’une vie de l’Esprit qui sanctifie l’âme, qui réjouit le cœur, et qui élève les relations humaines au niveau d’une communion spirituelle où l’on parle de Dieu et du ciel sans crainte et sans contrainte. Ce virus-là ne tue pas. Il fait vivre.
Laissons-nous quelquefois bousculer par l’audace de l’Esprit qui, déjà chez Isaïe dans la première lecture, « nous fait appeler une nation que nous ne connaissons pas », c’est-à-dire nous ouvre à des visages, des échanges, des rencontres inattendues pour notre plus grande joie et notre consolation en période difficile. Que les gestes barrière n’empêchent pas la parole de salutation, de bénédiction et de confiance en Dieu. Et les couvre-feu, les restrictions et les confinements seront plus faciles à supporter, à traverser jusqu’au bout.
En tant que chrétiens, baptisés en Jésus, plongés en lui, nous avons certainement un témoignage de persévérance à nous donner les uns aux autres dans la paix du Christ et dans la joie de le savoir vainqueur de tout mal.
Confions-lui cette nouvelle année qui commence, en lui demandant sa bénédiction sur l’Église et sur le monde. Amen.
Père Patrick Faure
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